La Drôle de guerre de Papi et Lucien, avec Leclerc et Rommel dans les sables de Koufra et de Bir-Hakeim
Après avoir pris comme toile de fond la bataille de France et la bataille de l’Atlantique pour les deux premiers tomes de la série, Fabrice Erre et Téhem envoient leurs héros en Afrique, avec une drôle de mission confiée par le général de Gaulle. Une fois de plus, Lucien et son grand-père Marcel s’apprêtent à vivre une odyssée au cœur des étapes de la Seconde Guerre mondiale. Toujours avec humour.
On les avait découverts en juin 1940, prêts à traverser la France pour aller rejoindre le général de Gaulle à Londres. On les avait retrouvés en mars 1941, embarqués sur un cargo pour rejoindre Brazzaville au Congo, depuis la capitale britannique. Avec le troisième tome de La Drôle de guerre de Papi et Lucien (qui commence en janvier 1942), le jeune garçon et son grand-père ont toujours autant l’esprit d’aventure et la volonté d’œuvrer à la libération de leur pays du joug nazi. Une nouvelle fois, ils répondent à l’appel du général de Gaulle, qui a besoin de volontaires pour une mission cruciale pour la suite du conflit : subtiliser l’or de la Banque de France. Avant-guerre et jusqu’en juin 1940, les réserves d’or détenues par la France ont en effet été évacuées de métropole pour être mises à l’abri au Canada, en Martinique, à Alger, Casablanca, Dakar puis Kayes (dans l’actuel Mali), ces derniers territoires contrôlés par Vichy.
La Banque de France, qui a alors un statut privé, résiste à Laval et Pétain, qui voudraient utiliser ces réserves à leur guise, notamment auprès de l’occupant nazi. L’enjeu est tel qu’en septembre 1940, c’est au tour de de Gaulle et Churchill de tenter de mettre la main sur les centaines de kilos d’or entreposés à Dakar. L’opération militaire échoue et les lingots changent une nouvelle fois de lieu de stockage en partant pour Kayes, à 900 kilomètres vers l’intérieur du continent africain. Fabrice Erre et Téhem imaginent qu’en 1942, le général de Gaulle décide une nouvelle fois de s’emparer d’une partie des réserves d’or de la France. La mission est délicate car Kayes se situe en Afrique occidentale française, contrôlée par Vichy. Lucien et son Papi, toujours enthousiastes et volontaires quand il s’agit de participer à la libération de leur pays, se trouvent à Brazzaville en Afrique-Équatoriale française ralliée à la France Libre, mais à plus de 5 000 kilomètres de Kayes…
Après un long voyage en cargo, un passage à Dakar, et un trajet en train, les deux agents français arrivent à Kayes, où ils remplissent une partie de leur mission. Le retour en direction de Londres est une véritable épopée dans le désert, entre la croisière noire d’André Citroën et Un Taxi pour Tobrouk. Marcel et Lucien en profitent pour passer par l’oasis de Koufra et Bir Hakeim, en vue de rejoindre le port d’Alexandrie. Avec ce troisième tome, Fabrice Erre et Téhem abordent les premiers coups d’éclat des Forces françaises libres, pas les épisodes les plus connus de la Seconde Guerre mondiale pour un jeune public. Sans y toucher, ils déroulent le fil des événements avec sérieux, même si le ton est à l’humour voire à la loufoquerie. On croise ainsi un certain nombre de personnalités comme de Gaulle, évidemment, Félix Éboué ainsi que les généraux Leclerc, Koenig et Rommel. Le stock d’or à Kayes, l’oasis de Koufra et la bataille de Bir Hakeim sont autant de repères historiques qui jalonnent l’album. La fiction s’y intègre sans effort : les auteurs imaginent en effet que les 395 kg d’or volés par Lucien et son Papi pourraient très bien être ceux que l’on a jamais retrouvés après-guerre.
Surtout, le duo des deux personnages principaux est très bien huilé et assez surprenant. Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que Papi Marcel soit le cerveau des duettistes, c’est bien son petit-fils qui mène la barque. Vétéran du premier conflit mondial parfois un peu lunaire, Marcel est en retard d’une guerre et ne jure que par les tranchées. Lucien est malin et n’est jamais à court d’idées pour se dépêtrer des nombreuses situations délicates qui apparaissent sur leur passage. On est emporté avec plaisir dans ce pétillant road trip saharien, à l’affut des jeux de mots et des clins d’œil. Le dessin de Téhem accentue le côté comique de l’album, qui convient bien à un public jeunesse. Apprendre en s’amusant est le credo de cette série qui a pris sa vitesse de croisière (noire) avec ce troisième opus.
La Drôle de guerre de Papi et Lucien T3 Mission Sahara !. Fabrice Erre (scénario). Téhem (dessin). Auzou. 56 pages. 12,95 euros.
Les cinq premières planches :