Angoulême 2017 : Hermann au filtre de l’Histoire
Grand Prix de la ville d’Angoulême 2016, Hermann a l’honneur d’une exposition rétrospective l’année suivante. L’occasion de redécouvrir que le prolifique dessinateur, dont la série emblématique se déroule dans un décor futuriste post-apocalyptique, a souvent trempé ses pinceaux dans diverses périodes historiques.
Le récit post-apocalyptique Jérémiah est sans doute la série qui a fait entrer Hermann dans le monde des grands de la bande dessinée, mais la carrière du dessinateur est très loin de se limiter à ces 32 tomes, ou aux 14 de Bernard Prince, aux intrigues policières contemporaines. La bibliographie du natif de Bévercé recèle également un certain nombre de récits ancrés dans une réalité historique plus ancienne. C’est sous cet angle que nous avons visité l’exposition Hermann, traditionnel accrochage dédié au Grand Prix de l’année précédente. Avec le grand plaisir de pouvoir examiner autant d’originaux, et donc de constater au plus près le talent hors norme de dessinateur, d’encreur, d’as du découpage et de coloriste d’Hermann.
Une des périodes fétiches du dessinateur belge est sans nul doute le XIXe siècle américain. Les westerns prennent une belle place dans l’ensemble de ses œuvres. Dès 1972, il commence la série Comanche, sur un scénario de Greg, l’histoire de la jeune propriétaire du ranch 666 dans le Wyoming. Il en dessinera 10 épisodes. C’est dans la série de one-shots qu’il réalisera aux fils des ans que l’on va trouver d’autres histoires situées dans le Far West, et en particulier On a tué Wild Bill en 1999. A noter que Duke son dernier album en date publié en janvier, scénarisé par son fils Yves H., est également un western. Malgré une documentation indéniable qui plonge le lecteur dans une reconstitution qui se veut la plus réaliste possible, la période est plutôt fantasmée chez Hermann ou son fils, toujours très violente, en écho aux films de Sam Peckinpah.
Pour une réflexion globale sur le western en bande dessinée -> le n°6 du webzine Cases d’Histoire.
Le XVIIIe siècle également a été traité par Hermann, dans un diptyque intitulé Le Diable des sept mers, chez Dupuis en 2008-2009. Un récit de pirates entre Barbe-Rouge de Charlier et Hubinon, et L’île au trésor de Stevenson, dont la violence n’est encore une fois pas exempte. Quelques belles planches sont parsemée dans l’exposition.
La ségrégation aux États-Unis dans les années 1950 est un autre thème abordé dans un album d’Hermann et présenté dans l’exposition. Avec Old Pa Anderson (scénario de Yves H., Le Lombard, 2016), le dessinateur belge s’immerge dans un Mississippi où la condition des noirs, séparés des blancs mais théoriquement égaux avec eux, ne ressemble pas vraiment à ce qui est promis dans la loi. Une fois de plus, la violence est omniprésente dans un album tout en ambiance.
Mais l’œuvre majeure d’Hermann est à trouver au début du XIIe siècle, une période pendant laquelle Aymar de Bois-Maury part à la reconquête de son fief injustement volé. Minutie de la reconstitution, souci de réalisme dans les dialogues (jusqu’à un certain point, pour qu’ils soient compréhensibles du lecteur moderne), situations en phase avec l’époque, présentation d’un Moyen Âge qui respecte mieux la recherche scientifique, Les Tours de Bois-Maury fait partie des séries historiques majeures des années 80 avec Les Passagers du Vent, Arno ou Les Chemins de Malefosse. Elle tranche par rapport aux autres planches publiées dans le magazine Vécu, lancé par Glénat en 1985 et spécialisé en bande dessinée historique. L’exposition présente de magnifiques originaux qui montrent la qualité de dessinateur d’Hermann, notamment pour ces grandes cases qui s’étalent sur 2/3 de planche. La série, dont l’intérêt retombe un peu après la conclusion du premier cycle de 10 tomes (ce sont ensuite les aventures des descendants d’Aymar qui sont comptées), est absolument remarquable, tant du point de vue de l’intrigue que du dessin. Pouvoir examiner de près quelques planches est un régal.
Exposition Hermann, Espace Franquin, Angoulême, jusqu’au 29 janvier.