Les Hmong, une ethnie méconnue venue de Chine et sa diaspora en Occident
Hmong, c’est l’histoire d’une ethnie méconnue et d’une famille, auxquelles appartient l’autrice Vicky Lyfoung. Une histoire confuse et douloureuse qu’elle va chercher à reconstituer pour se construire en tant qu’adulte, pour bien comprendre ses racines familiales et culturelles. Car, comme souvent dans les populations profondément meurtries par les déchaînements de la violence, les descendants immédiats ont de la peine à déchiffrer le vécu douloureux de leurs parents et de leur communauté.
Sur la couverture, en costume traditionnel, les parents et la sœur aînée de Vicky Lyfoung. En arrière-plan, les montagnes du nord de la péninsule indochinoise, où vivaient les Hmong lors des guerres dont ils ont été acteurs et victimes, avant de d’être dispersés aux quatre coins du monde. Dès la première planche, le problème de son origine ethnique se pose à l’autrice, quand dans son parcours scolaire ou professionnel, on la questionne sur le sujet. Et comme elle ne peut pas compter sur ses parents pour avoir une réponse satisfaisante, elle prend la décision de faire sa propre enquête (p.12-13).
Est alors évoquée la migration des Hmongs à travers la Chine impériale et leur installation dans les montagnes du nord de la péninsule indochinoise.
Notez que le dessin qui représente page 21 ces migrants hmongs, est celui d’un couple avec une petite fille, comme les parents de Vicky Lyfong sur la couverture. Suit alors une partie « ethnologique » sur la culture hmong. Ce couple réapparaît page 36 quand la partie histoire contemporaine est traitée.
Cette longue partie jusqu’à la page 88 présente les relations difficiles entre les Hmongs et la puissance coloniale française, de l’origine jusqu’à la chute de Dien Bien Phu.
Est racontée ensuite l’ingérence américaine au Laos à partir de 1953, cette « guerre secrète » qui se terminera en 1975 avec le triomphe des Communistes, et qui sera lourde de conséquences pour les Hmongs, majoritairement anticommunistes.
Le récit du devenir des parents de Vicky Lyfong, en pointillés dans la partie précédente, occupe maintenant tout l’espace de narration : c’est l’exil. En Thaïlande, puis en France.
La dernière partie du livre est centrée sur la vie et l’intégration de la famille de l’autrice, née en 1990 en France et qui nous fait part des questions qu’elle n’a pas encore résolues.
À la page 76, l’autrice évoque la « Plaine des jarres » : c’est, au nord du Laos, un haut plateau où se trouvent disséminées des sépultures de 2500 av JC. Croyant que la piste Ho Chi Minh y passait, les Américains en firent « l’endroit le plus bombardé au monde », soit une attaque toutes les huit minutes en moyenne pendant neuf ans (chiffres tirés des Pentagon papers).
L’opium est mentionné dès la page 22, comme faisant partie des productions agricoles des Hmongs dans leurs montagnes. Les qualités du « pavot somnifère » sont connues depuis l’Antiquité et un peu partout dans le monde. Elles sont utilisées par les paysans, qui, même en France, en cultivaient dans leur jardin à des fins de médication. Mais c’est en Asie que l’opium va devenir l’objet d’un trafic très lucratif. L’Angleterre, seule entre 1839 et 1842, puis avec les Etats-Unis et la France entre 1856 et 1860, mènera deux « guerres de l’opium » pour imposer à la Chine impériale la libre ventre de ce produit. Ce n’est donc pas un hasard si l’administration coloniale française en Indochine pousse les Hmongs à à production intensive de cette substance (p.36). Vicky Lyfoung insiste bien sur ce point p.36-37. Cette pression sur les Hmongs provoquera à partir de 1917 leur révolte, qui porte le nom de « guerre du fou » (p.38). Lors de la Seconde Guerre mondiale, les Japonais occupent l’Indochine à partir de 1940 en laissant subsister l’administration coloniale française du l’amiral Decoux. Mais ils mettent la main sur le trafic d’opium. Revenus en 1945-1946, les Français reprennent le contrôle de l’opium, d’autant plus que son commerce permet au Vietminh de financer sa guerre (p.73). Après les accords de Genève de 1954, les Américains (ou plutôt la C.I.A.) récupèrent à leur tour le trafic et mènent une « guerre secrète » au Laos contre les communistes.
Vicky Lyfoung insiste sur le caractère massif de l’exil des Hmongs. En effet, en plus de l’animosité qui régnait traditionnellement entre ces populations montagnardes et celles des vallées et des plaines, sont venues se rajouter les conséquences des affrontements politique et militaires entre partisans et adversaires du communisme, catégorie dont faisaient principalement partie les Hmongs. Après la prise du pouvoir par les communistes en 1975 au Vietnam et au Laos, les Hmongs, qui vivaient en grande partie dans ce dernier pays, le quittent en masse, grâce à des aides occidentales. Certains Hmongs trouvent refuge aux Etats-Unis. C’est cette communauté que montre le film de Clint Eastwood Gran Torino (2008).
Autre communauté hmong évoquée par Vicky Lyfoung
En guise de conclusion, voici une illustration due à Vicky Lyfoung et trouvée sur son site, qui évoque ce genre de fête traditionnelle hmong. On retrouve là l’orgue portatif présenté à la page 26.
Hmong. Vicky Lyfoung (scénario et dessin). Delcourt. 160 pages. 16,50 euros.
Les quinze premières planches :