Airborne 44 : dans les Ardennes, Hitler perd son dernier coup de poker
Le 16 décembre 1944, Hitler tente et va perdre son dernier coup de poker. Il lance dans les Ardennes belges une offensive blindée sur le modèle de celle de 1940 qui a abouti à la prise de Dunkerque et l’évacuation britannique. C’est le port d’Anvers cette fois l’objectif. Le but : négocier une paix séparée avec les Américains. Avec le dernier tome de Airborne 44 de Philippe Jarbinet, on est près de Bastogne, de laquelle le commandant des GI’s assiégés répondra « Nuts ! » (des noix ou, plus trivial, allez vous faire voir) aux Allemands qui lui demandent de se rendre. Le 24 janvier 1945, la Wehrmacht est repoussée au delà de sa ligne de départ.
Tom et Seb, les deux parachutistes de la 101e Airborne qui ont commencé leur guerre le 6 juin 1944 en sautant sur la Normandie, veulent à tout prix retrouver leur amie Tessa. L’avion de cette pilote américaine convoyeuse de l’air a été abattu près de Bastogne. Elle se cache chez des paysans belges. Les Américains ont repris l’initiative dans les Ardennes et stoppé la dernière offensive allemande. Mais le frère de Seb se bat dans la Wehrmacht non loin de là sous les ordres d’un officier SS qui capture Tessa. Tom et Seb décident alors de jouer cavalier seul pour la sauver. Seb parle allemand couramment et enfile un uniforme ennemi pour accéder au camp où la jeune femme est gardée prisonnière. Mais sa ruse est découverte par un officier SS.
Intéressant que Jarbinet ait fait endosser un uniforme allemand à son héros américain. En réalité, c’est grâce à ce subterfuge, mais dans le sens inverse, que les Allemands ont réussi à désorganiser, dès le début de l’offensive des Ardennes, les troupes américaines. Le colonel SS Otto Skorzeny qui avait libéré Mussolini en septembre 1943 en Italie (une opération dont le mérite aurait du être attribué aux seuls parachutistes de la Luftwaffe) a envoyé dans les lignes US des commandos SS sous uniforme américain et parlant un anglais parfait. Ils vont enlever les panneaux de signalisation, donner de faux renseignements aux convois américains, abattre sans sommation des GI’s qui les prennent pour des camarades. La riposte sera rapide. Les mots de passe à base entre autres de résultats de matches de base-ball récents feront la différence pour la Police Militaire US et les commandos SS seront anéantis.
Comme on le voit bien dans l’album, l’aide la plus efficace pour Hitler en décembre 1944 c’est le mauvais temps qui cloue au sol l’aviation alliée. Impossible de parachuter du ravitaillement ou de détruire les chars allemands. Quand le temps enfin s’améliore, les avions alliés reprennent le dessus. On comptera 4000 sorties aériennes alliées pour la seule journée du 24 décembre 1944. Autre tragédie de cette bataille, celle de Malmédy où des dizaines de prisonniers américains sont exécutés par les SS aux premiers jours de l’offensive. Dans Airborne 44, ce sont des civils qui sont assassinés par les mêmes
Au total Hitler lance 200 000 hommes et ce qui reste de ses meilleures divisions dans une offensive qui a peu de chances de réussir. La Luftwaffe y perd plus de 900 avions. Les Alliés 600 appareils, mais qu’ils peuvent aisément remplacer. En janvier 1945, la route vers Berlin est désormais ouverte.
Si l’histoire d’Airborne 44, un brin fleur bleue, se laisse bien lire, et si l’on s’attache aux personnages de Jarbinet, c’est surtout son dessin qui accroche l’œil. Un réalisme à la Hermann, pointu, vivant et très fidèle pour cette reconstitution de la célèbre bataille des Ardennes. Jarbinet ne commet aucune erreur sur les uniformes, l’armement individuel ou le matériel chenillé dans l’univers glacé de la forêt située à la confluence du Luxembourg, de la Belgique et de l’Allemagne. Seb, Tom, Tessa et Leder vont pouvoir retrouver la paix et leur Amérique de cow-boys. Airborne 44 restera incontournable aussi bien pour les amateurs de BD historique sur la Seconde Guerre mondiale que de bonne série bien argumentée et soutenue par un très beau dessin.
Airborne 44 T6, L’Hiver aux armes. Jarbinet (scénario, dessin et couleurs). Casterman. 56 pages. 13,95 €
Les 5 premières planches :