Caledonia vol. II, le mur d’Hadrien comme barrage à des créatures monstrueuses

Comme dans le tome I, le deuxième volume du triptyque Caledonia de Corbeyran et Despujol passe d’une première partie qu’on pourrait qualifier de « reconstitution historique », à une seconde partie plus individuelle centrée sur le fantastique de la quête et des tribulations émotionnelles du personnage principal, le centurion Lucius Aemilius Karus. Sous-titré Le mur d’Hadrien, ce tome II insiste sur la volonté romaine d’isoler une contrée dont les habitants ont déjà montré leur valeur en anéantissant une légion romaine.
A la fin du tome I, nous étions restés sur une scène grandiose, où, sous les ordres de Karus, la IXe légion toute entière faisait face à une tribu de Calédoniens, qui venait d’être renforcée par de mystérieux êtres gigantesques et menaçants. Dans ce tome II, nous apprenons ce qu’il en a été de cet affrontement désastreux, où a disparu la IXe légion et dont Karus, qui en a réchappé, est tenu pour responsable devant le Sénat d’abord et l’empereur ensuite.


Construction du mur d’Hadrien
Le pouvoir impérial abandonne alors sa politique de conquête de la Caledonia au profit de l’édification d’un ouvrage défensif : le mur d’Hadrien. Quant à notre ex-centurion, il s’infiltre seul au Nord en territoire ennemi pour comprendre ce que sont les géants qui ont détruit sa légion.

Il est intercepté par Leta la guerrière calédonienne qui avait été sa captive dans le tome I et qui devient sa geôlière, puis son amante. Ils partent ensuite tous les deux à la difficile découverte de ces êtres fantastiques, qui habitent une île sauvage et isolée.


Publius Aelius Hadrianus
Intéressons-nous maintenant au personnage historique important que nous trouvons dans ce tome II, l’empereur Hadrien. Né en 76 ap. J.-C à Italica en Espagne, Publius Aelius Hadrianus règne comme empereur de 117 à 138 ap. J.-C. Même dans son aspect extérieur avec ses cheveux mi longs et sa barbe, Hadrien se démarque de ses contemporains romains.
Autant le règne de son prédécesseur Trajan (empereur de 98 à 117 ap. J.-C.) est consacré à de multiples conquêtes, autant celui d’Hadrien s’attache à consolider l’empire romain (voir carte ci-dessous).

La construction d’un système défensif au nord de la Britannia entre la Mare Hibernicum (mer d’Irlande) à l’Ouest et la Mare Germanicum (mer du Nord) à l’Est, participe de cette logique.


L’ouvrage édifié entre 122 et 127 ap. J.-C. ne consiste pas seulement en un mur de 80 miles romains (environ 117 km), mais aussi en tout un système de fortifications diverses et de camps de légionnaires qui en assurent la défense. C’est ce que l’archéologie britannique a mis au jour et qui est cartographié ci-dessous. On peut voir que les fortifications du mur sont doublées au Sud par des fortins construits le long de la « Stanegate » cette voie qui les relie d’Est en Ouest (en rouge sur la carte ci-dessous). Il y a aussi des avant-postes au nord du mur, et également au sud de celui-ci des fortifications routières et côtières.

Ceci nous permet de situer chronologiquement les actions qui se déroulent dans cette série, puisque nous savons que la construction du mur d’Hadrien a débuté en 122 ap. J.-C.
Mis à part quelques détails malheureux *, on ne peut qu’être séduit par ces aventures de Karus, qui à la fin de l’album, va effectuer au IIe siècle ap. J.-C., une rencontre avec ces êtres mystérieux et redoutables, qui semblent appartenir au domaine de la Science-Fiction (dans le genre des séries Stargate SG-1 et Atlantis) plutôt que de l’Histoire.

* : Il nous faut relever quelques détails qui pourraient bien être des anachronismes. Sur l’illustration de couverture, l’épée que manie le centurion, possède une garde large courbe et une lame triangulaire et effilée, ce qui pourrait faire penser à une arme plutôt médiévale qu’antique.
À la page 3, Lucius Aemilius Karus est présenté dialoguant avec un personnage plus âgé que lui et qu’il nomme « légat Deodatus Faustus ». Tout d’abord, on est surpris de ne lire que deux des trois éléments du système de dénomination romain : prénom, nom gentilice (famille ou clan) et surnom, comme par exemple Caius Julius Caesar ou Publius Aelius Hadrianus. Ensuite, le prénom Deodatus (= donné par Dieu) aux accents chrétiens (Dieu est au singulier) est employé à l’époque où le christianisme est bien implanté dans l’empire romain, c’est-à-dire à partir du IVe siècle, et plus tard au Moyen Âge, mais pas en 122 après JC.
L’utilisation d’un titre avec d’autres éléments de dénomination, ici « légat », n’est pas habituel dans le système romain.
Enfin, aux pages 11 (ci-dessous), 15 et 17, les vieillards membres du « comité civique » (?) sont représentés vêtus de tuniques et de toges avec des bandes bleu clair, et non de couleur pourpre, comme le sont les habits des sénateurs, anciens magistrats curules.
Caledonia T2 Le Mur d’Hadrien. Eric Corbeyran (scénario). Emmanuel Despujol (dessin). Juliette Despujol (couleurs). Soleil. 56 pages. 15,95 euros.
Les quatre premières planches :