Cocardes contre Balkenkreuz, la guerre aérienne à l’Ouest (1940-1945) dans les BD francophones (1/3) La bataille de France
Bénéficiant d’une évolution technologique très rapide durant l’Entre-deux-guerres, l’aviation est devenue une arme déterminante lors de la Seconde Guerre mondiale. La Guerre civile espagnole (1936-1939) le laisse voir. Le second conflit mondial attribue une place décisive aux batailles aériennes. Ce qui se passe dans le ciel de Pologne en septembre 1939 le démontre une fois de plus. Mais l’apathie de la « drôle de guerre » ne permet pas à la France d’en tirer les leçons à temps. La Seconde Guerre mondiale étant un sujet majeur des bandes dessinées publiées en France, comment traitent-elles cette question spécifique de la guerre aérienne ? Premier élément de réponse avec la bataille de France (mai-juin 1940) au cours de laquelle la maitrise du ciel et par conséquent la victoire, sont allemandes.
Le corpus
Les tableaux chronologiques ci-dessous nous montent quelle est l’importance des parutions de bandes dessinées historiques ayant pour cadre la guerre aérienne entre 1940 et 1945 et ceci uniquement sur la partie Ouest du théâtre des opérations. Ce qui entend non seulement l’Europe occidentale, mais aussi les théâtres secondaires que sont le bassin méditerranéen et le Proche Orient, alors sous domination européenne. Pour ne pas alourdir le sujet, il a donc été choisi de ne pas prendre en compte ce qui concerne l’URSS et l’Asie-Pacifique, qui fera l’objet d’un autre article. Ce qui nous donne, sur un total d’environ 70 albums pour la guerre aérienne entre 1939 et 1945 tous théâtres d’opérations confondus, un panel de 34 albums entre 1983 et 2021 pour la guerre aérienne à l’Ouest. On remarquera un maximum de 5 albums pour l’année 2014, alors que les années sans sorties (en jaune) se raréfient.
Regardons un peu maintenant à quels épisodes de la guerre aérienne nous renvoient ces albums.
La bataille de France (mai-juin 1940)
Elle débute le 10 mai 1940 par l’offensive de la Wehrmacht, qui attaque les Pays-Bas, la Belgique et la France. En quelques jours, les Alliés sont enfoncés dans les Ardennes puis leurs troupes bloquées dans la poche de Dunkerque. La Luftwaffe s’efforce d’empêcher le rembarquement des soldats britanniques et français, que protège la RAF.
Cet épisode de Dunkerque est tout d’abord simplement évoqué dans la première planche d’un album didactique sorti en 1983 chez Larousse et intitulé Les batailles aériennes de la Seconde Guerre mondiale, bataille d’Angleterre, bombardements de l’Allemagne avec un scénario de Bernard Asso et un dessin de Francis Bergèse.
Le tome 1 sous titré Opération Dynamo de la série F.A.F.L. Forces aériennes françaises libres de Wallace/Régis Hautière et Stephan Agosto (Zéphyr éditions, 2010) consacre en revanche les planches 15 à 29 à la bataille de France et aux combats de Dunkerque.
L’album Biggles raconte, La bataille de France de Daniel Chauvin (Claude Lefrancq Éditeur, 1995) expose quant à lui l’ensemble de l’offensive allemande. Cet album didactique illustre les combats aériens du 10 mai au 24 juin 1940 entre les aviateurs français, allemands et italiens. Il est même rappelé à deux reprises (p.4 et 48), que la Luftwaffe, malgré sa victoire, perdit plus d’avions durant la bataille de France (1 469 appareils en 45 jours) que durant celle d’Angleterre (1 408 appareils en 82 jours).
Il en est de même pour les deux premiers tomes de la série Ciel de guerre sous-titrés respectivement Les diables rouges, et Cocardes en flammes, de Philippe Pinard et Olivier Dauger (Paquet, 2014 et 2015). Dans le tome 1, nous trouvons quelques-uns des ingrédients de la défaite des armées françaises. À savoir l’idée fausse que le massif ardennais est infranchissable par les chars (p.5), la vulnérabilité des aérodromes français aux attaques en rase-mottes de la Luftwaffe (p.27) *, la solidité des avions allemands par rapport aux attaques des appareils français sous motorisés et sous armés (p.19), la vulnérabilité des colonnes blindées françaises par rapport aux bombardements en piqué des Stukas (p.41), ainsi que la puissance de la Flak (Flieger Abwehr Kanone = DCA) qui équipe les Panzerdivisonen pour se défendre des attaques aériennes (p.48).
Les aventures du héros continuent même après l’armistice, puisqu’à la fin du second album à la page 43, il participe aux combats de juillet 1940 entre marines anglaise et française à Mers-El-Kébir. En attendant, il doit subir les humiliations de la Luftwaffe triomphante (p.29) et se trouver pris dans l’exode aérien des avions de chasse français jusqu’à Toulouse, puis vers l’Algérie (p.38).
Mais pendant que se déroulent ces combats fratricides à Mers-El-Kébir, un autre affrontement aérien a déjà commencé : celui de la bataille d’Angleterre. Nous verrons dans la deuxième partie de ce dossier comment la bande dessinée s’est emparée du sujet.
* : on retrouve également à la page 16 de l’album FAFL T1 Opération Dynamo.