Des Assassins mythiques dans l’Antiquité chinoise des Royaumes combattants
Lorsque Chen Uen, monstre sacré de la bande dessinée taïwanaise disparu précocement en 2017, rend hommage au père des historiens asiatiques, Sima Qian, sous la houlette d’une jeune et prometteuse maison d’édition nantaise, cela donne l’une de ces petites merveilles qui enchantent ce début d’année.
Des Assassins, superbe volume enrichi d’une érudite notice rédigée par d’éminents spécialistes, se propose en effet de compiler les faits d’armes de cinq bretteurs légendaires qui sacrifièrent leur vie afin d’abattre un tyran au cours de la tumultueuse période antique des Royaumes combattants. Sima Qian (145-86 av. J.-C.), qui est à l’extrême-orient sino-centré ce qu’Hérodote fut à la Méditerranée gréco-latine, choisit ainsi de sublimer ces cinq héros, incarnations des vertus chevaleresques dont il entend édifier son lecteur. De Cao Mo (VIIe s. av. J.-C.), qui préféra épargner sa proie pour mieux lui administrer une leçon de politique, au mythique Jing Ke (mort en 227 av. J.-C.), qui échoua à faire périr sous sa lame le roi de Qin et futur premier empereur de Chine, les personnages sont tous devenus des monuments du Wuxia, le récit historique.
Plus de deux millénaires après leur trépas, leur popularité ne se dément pas, au point que le cinéma s’est emparé d’eux, en témoignent les récentes œuvres de Chen Kaige ou Zhang Yimou, qui mettent en scène le cinquième assassin. Les maîtres du cinéma chinois s’inscrivent ainsi dans les pas de Chen Uen, qui avait redonné vie à ces cinq champions dès 1985, dans les colonnes du magazine Joy Comics, né à la faveur de la vague libérale qui fait suite à la mort du leader nationaliste Tchang Kaï-Chek.
Artiste accompli et influence majeure pour toute une génération d’illustrateurs, consacré par une exposition post-mortem au musée national du Palais de Taipei, véritable « Louvre taïwanais », Chen Uen use de toutes les techniques picturales avec une maestria déconcertante, à laquelle les éditions Patayo ont su faire honneur avec cette production somptueuse. Ce voyage graphique jusqu’aux origines épiques d’un empire du Milieu qui demeure à de nombreux égards nimbés de mystère ravira tout à la fois l’amateur d’Histoire comme le passionné du manhua, qui découvrira là l’un des pères fondateurs du genre.
Des assassins. Chen Uen (scénario et dessin). Editions Patayo. 166 pages, 30 euros.
Pour découvrir quelques planches du livre :