Je, François Villon, Prix Cases d’Histoire 2016
Pour sa deuxième édition, le Prix Cases d’Histoire couronne le troisième tome d’un triptyque aussi beau et fort que son sujet : Je, François Villon, adapté d’un roman de Jean Teulé par Luigi Critone. Une reconstitution remarquable d’une période où la vie humaine ne pesait parfois pas bien lourd.
Pas facile de réaliser une biographie de François Villon tellement les zones d’ombre subsistent sur cet homme qui serait né en 1431 près de Paris. Mais c’est bien cela qui attire les scénaristes, certains de pouvoir placer des péripéties plausibles sans qu’on les accuse de quoi que ce soit. Le roman de Jean Teulé souligne le côté hors-normes du poète, dont le mélange d’œuvres littéraires et de crimes en fait un artiste à part. Live fast die young pourrait être la philosophie de vie d’un jeune homme qui manie la provocation comme personne et qui répond à la dureté de son temps par une même dureté, après avoir beaucoup souffert. Il gâche la possibilité qui s’offre à lui de mener une carrière universitaire en choisissant une vie aventureuse. Rongé par les regrets et les remords engendrés par ses actes, il semble assez rapidement fatigué de la vie. On perd d’ailleurs sa trace alors qu’il est à peine trentenaire et banni pour dix ans de Paris.
Cette adaptation du roman de Jean Teulé plonge le lecteur dans le Paris de la fin du Moyen Âge, un Paris âpre, parfois dangereux, où le passage de vie à trépas est trop courant pour surprendre ou effrayer, même quand il concerne de jeunes enfants. Rien de romantique dans cette représentation. Seulement le sentiment pour la plupart des personnages qu’ils ne vivront pas bien vieux. La reconstitution de l’arrière-plan historique par Luigi Critone est tout simplement remarquable. Son dessin réaliste légèrement déformé est exceptionnel de maitrise. Les couleurs sont à l’avenant.
Sa faculté à donner à ses personnages des attitudes variées et d’une grande justesse expressive donne au lecteur une porte d’entrée grande ouverte à l’identification. Et l’une des grandes réussites des trois albums est justement de prendre le lecteur par la main pour mieux lui faire vivre des sensations contradictoires. Au fil des volumes, la sympathie que ce dernier éprouve pour François Villon est mise à rude épreuve tellement les actes du poètes sont parfois difficilement défendables, voire même parfaitement méprisables. Comment alors suivre un personnage principal si celui-ci vous dégoûte ? C’est à ce type de cas de conscience que l’on est confronté à la lecture de Je, François Villon. Faire ressentir de tels sentiments à ses lecteurs n’est pas donné à n’importe quel auteur. C’est le cas pour Luigi Critone.
Je, François Villon T3. Luigi Critone (scénario et dessin). D’après Jean Teulé (roman). Delcourt. 72 pages. 15,50€
Les 4 premières planches :
Luigi Critone
Il étudie l’Art à Rome avant de s’inscrire dans une école de bande dessinée à Florence. Il travaille dans un studio d’illustration historique où il réalise notamment des dessins publicitaires, mais rêve de faire de la bande dessinée. C’est au festival d’Angoulême qu’il fait des rencontres décisives qui l’aident à améliorer son dessin et son découpage. Il dessine les deux premiers tomes de La Rose et la croix, chez Soleil, puis 7 missionnaires, écrit par Alain Ayroles, chez Delcourt, dans lequel il laisse éclater tout son talent. Depuis, il travaille seul à l’adaptation en bande dessinée du roman Je, François Villon de Jean Teulé, qu’il a choisi de découper en trois volumes. Critone vit en France depuis plusieurs années et partage un atelier à Paris avec d’autres auteurs de bande dessinée et d’illustration.
Pour mémoire, les deux autres finalistes du Prix 2016 sont :
Quant au Prix 2015, il fut décerné à :
La Vierge et la Putain, de Nicolas Juncker
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