Le Chant du Cygne sur fond de mutineries de 1917
La colère gronde dans les rangs français en ce début d’année 1917. La lassitude des combats ajoutée aux offensives inutiles et meurtrières ont eu raison de la motivation des poilus. Le Chant du Cygne de Xavier Dorison, Emmanuel Herzet et Cédric Babouche s’inscrit dans cette période charnière de la Grande Guerre, en racontant le destin mouvementé d’une pétition.
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Quinze hommes en colère, c’est un peu de cette manière que l’on pourrait résumer l’odyssée d’un groupe de soldats français au printemps 1917, pour tenter de rejoindre Paris. A la clef, la remise d’une pétition à un député pour qu’éclate un scandale susceptible de faire démissionner le président du Conseil Alexandre Ribot et surtout révoquer le général Nivelle, surnommé le « boucher » pour sa propension à prôner l’offensive à tout prix. A l’origine de cette histoire, la découverte dans les fontes d’une estafette allemande des plans d’attaque français du lendemain ! Malgré la quasi-certitude que les détails de l’offensive choisie sont connus de l’ennemi, l’état-major décide pourtant de lancer les hostilités sur la cote 108, à l’extrémité Est du Chemin des Dames, pour complaire aux politiques. C’est un carnage pour les uniformes bleu horizon. Après l’assaut, la colère monte dans les rangs des poilus. Une pétition commence à circuler à l’intérieur des régiments pour dénoncer cette stupidité, avant de subir une nouvelle offensive suicidaire. Un brûlot qui contredit les affirmations du Haut commandement sur le moral des troupes et la réussite des offensives. C’est cette pétition qui arrive dans les mains de Larzac, un soldat de la 1ère compagnie du 5e régiment d’infanterie, basé dans l’Aisne à cette époque. Mais que faire de ce document aux allures de bâton de dynamite ? Essayer de le diffuser à ses risques et périls ou l’enterrer pour éviter la cour martiale ? Voici un beau cas de conscience, fil rouge du récit, en écho aux mutineries de l’année 1917.
Dans un premier temps, la décision des hommes du 5e RI 1ère Cie est vite prise. L’existence de la pétition s’est ébruitée et les officiers supérieurs du régiment offrent trois semaines de permission en échange de la remise des documents. Grâce à cette promesse, le colonel D’Anjou a tôt fait de récupérer les feuillets. Mais plus tard, quelle n’est pas la surprise des poilus de voir qu’on ne les emmène pas à Paris comme ils l’espèrent, mais vers le front. Ulcérés d’avoir été joués par leurs supérieurs, une partie des soldats décide de désobéir aux ordres et de faire demi-tour pour rattraper le colonel afin d’obtenir gain de cause. Mais la rencontre tourne mal, le ton monte, et Larzac tue D’Anjou. Il n’est plus alors question de tergiverser. La pétition en poche, les soldats foncent vers la capitale pour la remettre à un député qui saura en faire bon usage. Traqués par l’armée et les gendarmes, les mutins doivent redoubler de prudence pour échapper à leurs poursuivants tout en perdant le moins de temps possible. Il faudra du courage et de l’abnégation à ces hommes pour arriver à leurs fins. Car préférer faire triompher la justice pour l’ensemble des troupes plutôt que de privilégier son confort personnel est un dilemme cornélien. Désobéir en estimant que les ordres sont iniques est un choix tout aussi compliqué quand on porte un uniforme. Vouloir s’opposer à l’état-major et aux politiques n’est pas moins délicat. La fin de l’album dira si le jeu en valait la chandelle pour ces poilus qui n’ont pas peur du sacrifice ultime.
Le Chant du Cygne T2. Xavier Dorison et Emmanuel Herzet (scénario). Cédric Babouche (dessin et couleurs). Le Lombard. 72 pages. 14,99 €