Les gladiateurs dans les BD publiées en français : 1/3 Les albums entièrement consacrés à la gladiature
Selon la tradition, c’est par cette célèbre phrase, illustrée ci-dessus par une bulle d’Astérix gladiateur (et une autre du tome 6 d’Alix, Les Légions perdues), qu’à partir du Ier siècle av. JC, commençaient traditionnellement les combats de gladiateurs. Ceux-ci constituaient un des divertissements les plus appréciés des Romains et une des caractéristiques de leur civilisation. L’histoire romaine étant une des sources d’inspiration privilégiées de la bande dessinée historique sur l’Antiquité, il est normal que les gladiateurs y aient leur place. Ce dossier en trois parties dresse le panorama des albums publiés en français abordant le sujet très graphique des gladiateurs.
Pour organiser la présentation de notre panel de 26 albums publiés entre 1955 et 2024, nous commencerons par énumérer les albums entièrement consacrés à la gladiature, puis ceux qui ne comportent qu’une séquence ou quelques planches évoquant cet univers, et enfin, nous passerons en revue toutes les facettes de la vie des gladiateurs évoquées dans les bandes dessinées.
Voici donc par ordre chronologique, les huit bandes dessinées dont l’intrigue est entièrement ancrée dans le milieu de la gladiature :
Le Gladiateur-mystère
Cet opus de Willy Vandersteen, le célèbre bédéiste flamand, est paru dans Tintin (édition belge) du 14 octobre 1953 au 15 décembre 1954, puis est sorti en album chez Le lombard en 1955. Il représente le premier exemple à la fois d’album entièrement dédié au milieu de la gladiature et de ce qu’on pourrait appeler les « gladia-comiques » ou BD introduisant le comique dans cet univers de violence. Cet opus se situe à la quatrième place chronologique dans la série d’aventures historiques de Monsieur Lambique avec Bob et Bobette qui paraissent dans Tintin durant les années 1950-60.
Capturés chez eux en Belgique (« De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves », comme l’écrivait César), Lambique, Bob et Bobette sont amenés à Rome, où Lambique devient gladiateur et sauve la vie de l’empereur Néron. Un temps chef de la garde prétorienne, il prend ensuite parti contre l’empereur dans la mouvance d’une révolte des gladiateurs. Aidé par Titus, son lion apprivoisé, il réussit dans son entreprise et détrône le tyran.
Le style bien particulier de Willy Vandersteen, avec les facéties de Lambique, donne sa touche comique à cet album. Prenons-en pour preuve le combat fantaisiste des pages 54 à 57 entre Lambique et son double. Cette péripétie est destinée à éclaircir l’identité du gladiateur-mystère tout en satisfaisant l’exigence de combat du public.
Astérix gladiateur
Dix ans après Le Gladiateur-mystère, René Goscinny et Albert Uderzo font paraître en 1965 un nouveau “gladia-comique” avec Astérix gladiateur, quatrième tome des aventures du célèbre Gaulois.
Base de l’histoire : Assurancetourix, le barde du village gaulois, a été enlevé par les Romains pour être offert en cadeau à César. Astérix et Obélix décident d’aller chercher leur barde à Rome, où pour le libérer ils se font embaucher comme gladiateurs. Ils arrivent à leurs fins en libérant en outre leurs nouveaux “collègues”. Ce scénario est l’opportunité pour les deux auteurs de mettre en BD la description d’un ludus, une école de gladiateurs, telle qu’elle avait été faite cinq ans auparavant par Stanley Kubrick et Kirk Douglas dans le film Spartacus. Nous reviendrons sur ce sujet.
Celtil
Cet album de Philippe Masson est sorti en mars 1986 chez Bédéscope. Il devait être le premier d’une série, mais la suite n’est jamais parue.
Rome, 68 ap. JC, dernière année du règne de Néron : Celtil, un jeune centurion gaulois, est arrêté car le gouverneur de sa province vient de rentrer en sécession. Celtil est intégré de force à l’équipe des gladiateurs de Néron. Après des combats de plus en plus durs, il réussit à vaincre son dernier et formidable adversaire. Puis il quitte Rome et il est témoin de la mort de Néron, qui se suicide plutôt que de tomber aux mains de ses généraux révoltés.
Spartacus, le gladiateur, Tome 1, Morituri te salutant
Cet album est sorti chez Soleil en décembre 2004 avec Jean-Luc Istin au scénario et Serge Fino au dessin. Comme le dit sa page de garde, il a été réalisé d’après le livret de la comédie musicale d’Elie Chouraqui et Maxime le Forestier, dont la première s’est déroulée le 1er octobre 2004 au Palais des sports de Paris. Apparemment pour ces deux productions, la trame en est celle du film Spartacus réalisé en 1960 par Stanley Kubrick avec Kirk Douglas. Mais pour la BD, on peut noter une ressemblance de la scène dans les arènes (pages 26-32) avec une séquence semblable dans le film Gladiator de Ridley Scott sorti en 2000. Là aussi, cet album est présenté comme un tome 1, mais la suite n’est parue.
Cet opus est une biographie de Spartacus racontée par Lentulus Batiatus, le lanista du ludus de Capoue où Spartacus a fait son apprentissage de gladiateur, avant de s’en échapper et devenir le chef des gladiateurs et des esclaves révoltés, qui firent trembler la République romaine entre 73 et 71 av. J.C. Après une planche montrant un champ de croix (évocation du sort des 6 000 révoltés crucifiés par Crassus après la défaite de Spartacus), la BD suit le même déroulé que le film de Stanley Kubrick : depuis les mines de Libye jusqu’à la séquence du combat entre Spartacus et Draba dans l’arène privée du ludus de Capoue à la demande de Crassus. Donc cet album ne comporte aucune mention de la révolte des gladiateurs et des esclaves.
Arelate
Toute différente est la série Arelate, qui de 2009 à 2022 conjugue fiction et archéologie. Pas étonnant puisque le coscénariste Alain Genot travaille au service archéologique du musée d’Arles antique. Arlésien, l’autre coscénariste et dessinateur Laurent Sieurac l’est aussi. C’est donc ensemble qu’ils ont choisi comme titre de cette série, Arelate : le nom antique de leur ville.
Dans cette saga, qui compte actuellement huit tomes et une intégrale, nous allons nous concentrer sur cette dernière parution (2015) qui regroupe les trois premiers albums, qui sont accompagnés bien sur d’un volumineux dossier historique et archéologique de 16 pages dont le plus important est consacré à la gladiature (p164).
Le propos de ces opus, en plein dans la veine « reconstitutive » de la BD historique, est de mettre en scène des personnages pour en montrer l’environnement historique. Plus concrètement nous suivons principalement le tracé de vie de Vitalis, que son addiction au jeu de dés oblige à perdre sa liberté et à devenir gladiateur. Est montré également une autre trajectoire, celle du jeune Neiko qui entame son apprentissage de naute (navigateur). Coexistent dans cet opus des scènes de vie quotidienne dont les entraînements des gladiateurs, et leurs combats dans l’arène.
Les Gladiateurs
Avec Les Gladiateurs sorti en mai 2011 aux Editions BAC@BD de Valence avec Pascal Brossier au scénario et David Raphet au dessin, nous revenons aux « gladia-comiques ». Mais là encore, le tome 1 C’est quoi ce cirque ?! n’a pas eu de suite.
Dès la première case, le ton est donné : à raison d’un gag par planche, nous voyons évoluer les gladiateurs du Ludus Tucrus, dont la sonorité du nom n’est pas sans rappeler celle d’une marque de pâtes alimentaires. Le dessin comme les gags, aussi faiblards l’un comme les autres expliquent sans doute le peu de succès de cet opus, malgré sa documentation qui le situe à la fin du règne de l’empereur Claude.
Gladiatorus
Toujours dans le genre des « gladia-comiques », vient Gladiatorus, série de deux albums sortis en 2013 pour Avé tous les massacrer et en 2014 pour Alea jacta ouste chez Bamboo Editions avec Christophe Cazenove au scénario et André Amouriq au dessin et scénario.
La règle est la même que dans l’album précédent : un gag par planche. Mais contrairement aux Gladiateurs, à quelques exceptions près, l’action ne se déroule que dans l’arène et principalement autour de ce qui arrive au meilleur combattant : Gladiatorus, qui déclare que rien n’est important « …du moment qu’à la fin c’est moi qui gagne » (tome 1 p.46) ou qui « frappe toujours le premier » (tome 2 p.5).
La Voie du glaive t1 Les Frères furieux
Terminons ce panorama des bandes dessinées entièrement consacrées aux gladiateurs avec le tome 1 de La Voie du glaive, une série démarrée en 2023, scénarisée par Vincent Brugeas et Emmanuel Herzet, et dessinée par Benoît Delac.
Lento et Sutura sont les fratres furentes (frères furieux) et « sous le règne des Flaviens » ils sont acclamés comme tels par le public des arènes de Ravenne (Italie). Ils doivent être sélectionnés pour partir combattre dans celles de Rome. Mais avant cela, ils sont embauchés comme hommes de main par un aristocrate désireux d’asseoir sa domination sur les bas-fonds de la ville. Seulement, les choses ne se passent pas comme prévues : leur « patron » est tué par son rival, un ancien légionnaire qui pourchasse alors les deux gladiateurs.
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