Les Godillots vivent la bataille de Verdun depuis la “Voie sacrée”
La bataille de Verdun, vue depuis la « Voie sacrée », c’est ce que proposent en filigrane Olier et Marko avec le quatrième tome des Godillots. L’intendance et la logistique sont une fois encore au centre de l’intrigue, offrant une perspective originale sur la Grande Guerre.
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Contrairement à d’autres conflits, et en premier lieu la Seconde Guerre mondiale, la Grande Guerre a peu inspiré les auteurs de comédies. Et on peut même ajouter que les exemples les plus emblématiques ont été réalisés pendant la durée des combats, si l’on pense à Bécassine et aux Pieds Nickelés. La mémoire de la Guerre de 14 repose presque exclusivement sur la dureté de la vie dans les tranchées, la lassitude des poilus, la folie de certaines offensives et, pour résumer le tout, le nombre de morts. La place réservée au rire et à la dédramatisation paraît bien mince en comparaison. La direction empruntée par les Godillots est en cela originale. Le fait que la série soit destinée à un large public, qui englobe particulièrement des lecteurs plutôt jeunes, n’est pas étranger à cette (relative) légèreté de ton. L’objectif n’est pas de montrer la guerre dans toute son horreur, cadavres et blessures sanguinolentes à l’appui. D’autant moins que les héros du récit appartiennent à une escouade qui n’a pas vocation à se retrouver continuellement en première ligne puisqu’elle s’occupe du ravitaillement. Ce qui n’empêche pas Olier d’aborder des sujets graves, comme dans ce tome 4 la superstition, les blessures, la folie, qui donnent chair à l’album et replacent subtilement les événements dans la tragédie en cours. Même si elle n’apparaît qu’en arrière-plan, la réalité de la guerre n’est pas évacuée pour autant.
Pour ce quatrième volume, l’action se déroule en février 1916, au moment où démarre le déluge de feu de la bataille de Verdun. Mais Palette, Le Bourhis, Serpolet, Winch et tous les autres « Godillots » ne se trouvent ni au bois des Caures ni à Douaumont, mais plus en retrait, sur l’unique départementale (que Maurice Barrès baptisera en avril 1916 la « Voie sacrée ») qui permet à une incessante colonne de camions de transporter troupe et matériel vers le front (500 000 t. et 400 000 hommes par mois de mars à juin 1916). Cette « noria » de véhicules est la pierre angulaire du plan de défense du général Pétain : relayer sans cesse les hommes en première ligne qui ne doivent pas rester plus de 4 ou 5 jours sous le feu ennemi. Un « tourniquet » qui soulage les troupes françaises alors que du côté allemand, on remplace seulement les pertes. L’arrière-plan historique des Godillots est donc parfaitement documenté (le lecteur croise même des personnages réels, comme le capitaine Doumenc, qui avait déjà réussi la prouesse d’évacuer Reims par automobiles en septembre 1914), mais le fil rouge du récit est ailleurs, il repose sur les mésaventures du soldat Serpolet. Celui qui semble éviter les balles comme par magie depuis le début de la guerre, se blesse à la main lors d’une explosion. Choqué par cette première blessure et la perte consécutive de son porte-bonheur, le jeune homme connaît une sévère crise de panique et marche au hasard, complètement déboussolé. Ses camarades se lancent alors sur ses traces, dans une poursuite que n’aurait pas reniée Gérard Oury. Dialogues qui font mouche, personnages hauts en couleurs, mort mise de côté, humour, gravité, réalisme historique, le cocktail est en effet parfaitement dosé.
Les Godillots T4 Le Tourniquet de l’Enfer. Olier (scénario). Marko (dessin et couleurs). Bamboo. 56 pages. 13,90€