Vasco T28, I pittori, entretien avec Luc Révillon et 10 premières pages
Retour en Italie, à Venise et Florence notamment, pour la 28e aventure de Vasco. L’occasion de s’entretenir avec Luc Révillon, scénariste depuis le précédent album La Citadelle des sables de la série créée par Gilles Chaillet, et de découvrir les dix premières pages de I pittori, première partie d’un diptyque qui tourne autour de la banque bien sûr, mais aussi de la peinture du trecento italien.
Cases d’Histoire : Comment aborde-t-on la reprise d’une série comme Vasco ? Le fait que vous connaissiez bien Gilles Chaillet est-il un avantage ou inconvénient ?
Luc Révillon : J’ai découvert et apprécié la série Vasco dès sa parution dans le journal Tintin. À la fin des années soixante-dix, la bande dessinée dite historique ne connaissait pas la vogue qu’elle rencontre aujourd’hui. Aussi la démarche de Gilles Chaillet m’apparaissait-elle comme innovante aussi bien par la profession exercée par son héros – commis de banque – que par l’époque choisie – le trecento italien. La date de naissance de la série correspond au début de notre amitié avec Gilles et Chantal que j’avais rencontrés pour la première fois à Angoulême lors de leur reprise de la série Lefranc sur scénario de Jacques Martin.
LR : Plusieurs raisons justifient le choix de l’Italie comme théâtre d’I Pittori et d’Affaires lombardes [la suite et fin du dyptique]. Tout d’abord le fait que Vasco Baglioni et Tolomeo Tolomei soient des banquiers siennois. Ensuite l’alternance des décors (pays étranger-Italie), mise au point par Gilles comme cadre des aventures de Vasco. Les citadelles de sable se déroulant au Maroc, le retour en Italie s’imposait. Enfin, Gilles, Chantal et moi adorons l’Italie. Lors d’un de mes précédents voyages, à Padoue, j’ai eu l’occasion de visiter la chapelle de l’Arena décorée à fresques par Giotto. Ce cadre extraordinaire s’est immédiatement imposé à moi pour la première scène du présent Vasco. Je souhaitais également revenir sur les faillites des banques lombardes au milieu du trecento et approfondir les tensions familiales entre l’oncle Tolomeo et ses neveux. Il ne restait plus qu’à construire un scénario combinant de façon logique l’ensemble de ces éléments. Dans Ténèbres sur Venise, Gilles Chaillet avait déjà conduit Vasco dans la cité des Doges en 1355. Il nous semblait amusant et logique – le lecteur pourra en juger – de ramener Vasco en ces lieux magiques treize ans plus tard et de l’y faire croiser une vieille connaissance : le peintre siennois Giaccomo Martini.
CdH : Pour cet album, y a -t-il eu des difficultés pour la documentation, les sources ? Et quel est votre souci du réalisme historique ?
LR : Venise est une cité où je me suis rendu à cinq reprises et sur laquelle je dispose d’une importante documentation livresque et iconographique. Ceci a d’ailleurs conduit Chantal et moi à proposer à Gauthier un ouvrage en hommage à Gilles Chaillet. Les éditions du Lombard proposeront au printemps prochain une version commentée de Ténèbres sur Venise qui réunira, outre les 46 planches du récit en noir et blanc, un volumineux dossier richement illustré apportant des éclairages sur l’album et sa conception, les lieux représentés – réels ou fantasmés -, les déplacements de Vasco dans Venise, les sources picturales, les institutions vénitiennes, les modifications du titre et quelques autres révélations.
À mes yeux le réalisme historique dans une série comme Vasco se limite à la rendre plausible aux yeux des lecteurs ; je n’ai aucune prétention à écrire un ouvrage sur l’art ou les faillites bancaires au trecento. Florence et Venise m’ont posé peu de problèmes de documentation ; par exemple j’ai souhaité montrer le pont du Rialto lorsqu’il était en bois et pour ce faire j’ai suggéré à Dominique Rousseau de s’inspirer du tableau de Carpaccio Miracle de la relique de la sainte Croix dont Gilles s’était inspiré pour une case de Ténèbres sur Venise. Pour une autre séquence vénitienne, j’avais besoin du bâtiment des archives de Venise (le bâtiment actuel jouxte la basilique dei Frari mais est ultérieur au trecento), mais j’ignorais où il se trouvait à l’époque. Après m’être renseigné, il m’apparut que les archives étaient sans doute dispersées dans divers lieux de la cité, ce qui ne me convenait pas. Aussi ai-je décidé pour m’amuser de les situer dans l’ancien bâtiment de la douane qui abrite aujourd’hui le musée d’art contemporain Pinault. J’ai communiqué à Dominique une ou deux reproductions d’un plan montrant le bâtiment au XVIe siècle : je n’ai trouvé aucun visuel plus ancien. À Florence, Andrea Bardi vit dans le palais Davanzati que j’avais visité autrefois, et auquel est également emprunté habituellement le décor du bureau de Tolomeo Tolomei…
J’espère ne pas scandaliser le lecteur doté d’une riche culture architecturale et picturale. Je souhaite plutôt qu’après s’être laissé emporter par le récit il s’amuse à débusquer nos emprunts. Mon objectif : fournir une petit heure de dépaysement spatio-temporel… sans Valérian et Laureline, mais avec Vasco et Sophie.
Les 10 premières planches de Vasco Tome 28, I Pittori.
Vasco T28, I pittori. Luc Révillon et Chantal Chaillet (scénario). Dominique Rousseau (dessin). Chantal Chaillet (couleurs). Le Lombard. 48 pages. 12€