1692, Louis XIV perd son duel naval contre les Anglais dans la Manche, à la bataille de La Hougue
La collection des Grandes Batailles navales publiée par les éditions Glénat continue de faire les beaux jours des amateurs de belle marine et de combats épiques. Après un détour par la Chine médiévale, la Seconde Guerre mondiale et l’Antiquité romaine, le maitre d’œuvre de la série, Jean-Yves Delitte revient en Europe, au siècle du Roi-Soleil.
Cette BD autour de la bataille de La Hougue est un vrai petit plaisir à déguster et assimiler lentement. Tout est contextualisé de façon précise, autant afin d’inviter le lecteur à entrer dans l’époque du siècle de Louis XIV que dans le but de replacer le combat de La Hougue dans son contexte. Du 29 mai au 3 juin 1692 se sont déroulées les opérations baptisées « bataille de La Hougue », lors de la guerre de la Ligue d’Augsbourg.
Certains dialogues des personnages portraiturés, ainsi que le précieux dossier en annexe, éclairent le lecteur sans l’assommer. En cette fin de XVIIe siècle, la maîtrise de la Manche est essentielle. Depuis la Glorieuse Révolution de 1688 qui voit l’avènement de Marie (fille de Jacques II, chassé du trône) et de son époux le stathouder des Provinces-Unies Guillaume d’Orange (ennemi juré de Louis XIV), le roi de France est prêt à aider Jacques II à recouvrer son trône. Des opérations malheureuses en Irlande (défaite de La Boyne en 1690) éloignent cet espoir, qui parait toutefois encore crédible depuis la victoire du vice-amiral Tourville au cap Béveziers (1690).
Le contrôle de la Manche est essentiel pour perturber durablement le commerce anglo-hollandais. Il est aussi nécessaire pour retenter un débarquement de Jacques II. Aussi comprenons-nous l’importance accordée dans la BD de Jean-Yves Delitte aux partisans du roi déchu connus sous le nom de Jacobites [1]. Il ne s’agit pas ici d’opérer une reconstitution-tableau épique de l’Histoire. Il y a de l’intrigue et des rebondissements qui peuvent être crus pour un jeune public (la torture menée par des espions protestants pour savoir ce qui se trame du côté de la Manche, l’âpreté des combats, qui ne doit pas être masquée, car il importe de souligner au jeune lecteur que la guerre n’est ni un jeu ni une partie de plaisir).
La première journée de combat, au large de Barfleur, voit les Anglo-Hollandais tenus en échec par la flotte française (29 mai 1692), bien qu’inférieure en nombre. Toutefois, celle-ci n’est pas intacte. Plusieurs navires sont orientés vers des ports pour réparation. Tourville, encore plus affaibli d’un point de vue numérique, comprend qu’il serait bloqué sur le Cotentin. Il faut échouer des navires sur les plages, dont le vaisseau amiral Le Soleil royal. Tourville sauve ce qui peut l’être, en équipages et en artillerie, avant que les brûlots anglais ne fassent leur œuvre. C’est pour cette raison qu’il compte parmi les sept maréchaux de France promus le 27 mars 1693. Les navires perdus sont rapidement remplacés et Tourville remporte même un succès naval au large du Portugal, à Lagos, le 27 juin 1693. Toutefois, Jacques II voit ses rêves de débarquement en Angleterre partir en fumée, comme le montre la page finale de cette bande dessinée prenante, instructive et qui ne verse ni dans l’hagiographie ni dans le trop-plein descriptif. Un beau volume.
[1] Sur Jacques II et les Jacobites, nous renvoyons à la belle biographie publiée par Nathalie Genet-Rouffiac chez Belin (2011), ainsi qu’à sa thèse, Le Grand exil, éditée par le SHD en 2007.
La Hougue, Les Grandes batailles navales. Jean-Yves Delitte (scénario et dessin). Douchka Delitte (couleurs). Glénat/Musée national de la Marine. 48 pages + 8 pages de dossier. 14,95 euros.