Charles de Gaulle 1916-1921 : les prémices derrière les barreaux allemands
Pour démarrer leur biographie de Charles de Gaulle, Jean-Yves Le Naour et Claude Plumail choisissent de s’attacher aux débuts de la carrière militaire du futur fondateur de la Ve République. Et plus précisément à sa captivité pendant la Première Guerre mondiale, une période peu connue du grand public.
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Dans l’imaginaire collectif, la figure de Charles de Gaulle tourne autour de plusieurs faits saillants : son souci de l’utilisation des blindés dans la stratégie militaire, sa volonté de continuer la lutte en Grande-Bretagne contre l’ennemi nazi, sa réussite à placer la France à la table des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, son retour aux affaires en 1958, son choix d’accepter l’indépendance de l’Algérie et enfin son départ après mai 68 puis un référendum perdu. Mais à aucun moment la Première Guerre mondiale n’entre dans cette réflexion sur le rôle du natif de Lille dans l’Histoire française. Pourtant, il suffit de se rappeler que Charles de Gaulle est né en 1890 pour comprendre qu’il a participé lui-aussi aux combats qui ont embrasé l’Europe 24 ans plus tard. La première partie de la biographie du futur général porte donc sur les années 1916-1921, non pas que le jeune homme ait évité la mobilisation de 1914 (il est d’ailleurs deux fois blessé en août 14 et en mars 15), mais la date du 2 mars 1916 marque sa capture par les troupes allemandes près du village de Douaumont. S’en suivent deux années d’internement pendant lesquelles de Gaulle va « faire son devoir », c’est-à-dire tenter de s’évader. Il passe dans une dizaine de camps et essaye cinq fois de fausser compagnie à ses geôliers. Racontées par Jean-Yves Le Naour, ces années semblent sorties du film La Grande Illusion où le capitaine de Boëldieu joué par Pierre Fresnay aurait le rôle du capitaine de Gaulle.
A travers cette période de captivité, le récit exprime le caractère de celui qui dira non au défaitisme en 1940. L’homme est déjà froid, intelligent, imperturbable, sûr de lui, courageux, têtu, loyal, a de l’esprit, la carrière militaire chevillée au corps et une très haute opinion de lui-même. Malgré tous ses efforts, il ne parviendra pas à rejoindre la France avant la fin de la guerre. Mais entre-temps, les péripéties de ses tentatives ratées auront réussi à faire sourire le lecteur, de même que les quelques clins d’œil anachroniques placés malicieusement par Jean-Yves Le Naour. D’autres facettes de cette période apparaissent également dans l’album. Les relations de Charles de Gaulle avec Philippe Pétain, sous les ordres duquel il est placé pour sa première affectation à Arras, et qui l’envoie à Douaumont deux ans plus tard. Puis en 1919, son passage en Pologne comme conseiller militaire pour aider les troupes polonaises à repousser l’Armée rouge. Et enfin sa rencontre et son mariage avec Yvonne Vendroux, concluant l’épisode en 1921. Charles de Gaulle veut montrer que le jeune capitaine de 1916 n’a pas grand-chose à envier au colonel plus expérimenté de 1940. Le raccourci entre le captif qui souhaite s’échapper du confort douillet des camps de prisonniers pour retourner en enfer, et le stratège de 1919 aurait toutefois mérité d’être un peu plus étoffé. Mais si le récit évolue sur le fil du rasoir du déterminisme, il se laisse lire très agréablement et renseigne une période oubliée de la vie d’un homme singulier.
Charles de Gaulle T1 1916-1921. Jean-Yves Le Naour (scénario). Claude Plumail (dessin). Albertine Ralenti (Couleurs). Grand Angle. 56 pages. 13,90€
Les 5 premières planches :