Cocardes contre Balkenkreuz, la guerre aérienne à l’Ouest (1940-1945) dans les BD francophones (2/3) La bataille d’Angleterre
De l’été 1940 au printemps 1941 se déroule un affrontement décisif pour stopper les ambitions territoriales d’Hitler en Europe occidentale. La Grande-Bretagne représente le dernier rempart contre le nazisme à l’Ouest du vieux continent. Tout se joue dans les airs, entre une Royal Air Force limitée et une Luftwaffe triomphante. La bataille d’Angleterre, duel aérien entre deux nations, s’annonce épique. Voici comment les bandes dessinées francophones ont traité cette période mythique pour la défense du monde libre.
LIEN VERS LA PREMIÈRE PARTIE DU DOSSIER
À partir du 22 juin 1940, date de l’armistice avec la France, Hitler est victorieux sur le continent européen. Seule lui échappe la Grande-Bretagne. Pour pouvoir débarquer et envahir l’île, il lui faut d’abord avoir la maîtrise du ciel et pour cela annihiler la capacité défensive de l’aviation britannique, la Royal Air Force (R.A.F.) qui dispose de très peu de chasseurs modernes. Possédant une écrasante supériorité numérique, l’aviation allemande, la Luftwaffe, va se déchainer dans la seconde moitié de 1940. Le sort de la bataille et donc de la survie de l’Angleterre repose alors sur les épaules des hommes et des femmes de la R.A.F., surtout des pilotes. Ceux-là même qui sont l’objet de la fameuse déclaration de Churchill :
Cette « bataille d’Angleterre » va se dérouler en trois phases. D’abords la Luftwaffe va attaquer les convois de navires qui ravitaillent l’Angleterre, ceci dans le but d’attirer et de détruire la R.A.F., ce qui n’arriva pas.
Puis ce sont les aérodromes du sud et de l’est de l’Angleterre qui vont être bombardés et mitraillés à outrance, et la R.A.F. commence à fléchir.
Mais, comme les Anglais ont réussi à bombarder Berlin, Hitler ordonne de détruire Londres et les villes anglaises. Ce sera le blitz, ce qui paradoxalement sauvera la R.A.F., car celle-ci pourra, puisque ses aérodromes ne sont plus attaqués, empêcher la destruction des villes.
Puis devant l’impossibilité de réduire ces adversaires si coriaces, Hitler porte la guerre à l’Est et attaque l’U.R.S.S. le 22 juin 1941, mettant ainsi fin à l’offensive contre l’Angleterre comme objectif principal de l’effort de guerre allemand.
Cet héroïsme des défenseurs de la Grande-Bretagne laisse une trace significative dans la mémoire collective occidentale. Outre un certain nombre de productions culturelles pendant et immédiatement après le conflit, on peut remarquer le film britannique à grand spectacle de Guy Hamilton de 1969, La bataille d’Angleterre, où jouent bon nombre de grands acteurs anglais et allemands.
Pour ce qui est des bandes dessinées, nous avons déjà vu qu’était sorti en 1983 chez Larousse un album didactique intitulé Les batailles aériennes de la Seconde Guerre mondiale, bataille d’Angleterre, bombardements de l’Allemagne avec un scénario de Bernard Asso et un dessin de Francis Bergèse. Celui-ci sort ensuite chez Claude Lefrancq Éditeur deux albums inspirés de l’œuvre du pilote de chasse et romancier W.E. Johns. Ces opus sont intitulés Biggles, le premier sous-titré Le bal des Spitfire en 1992 et le suivant Squadron Biggles en 1994. Il s’agit des aventures parfois dramatiques, parfois cocasses d’un squadron (une escadrille) de pilotes anglais et français durant la bataille d’Angleterre, ce qui n’est pas sans rapprochement avec le film de Guy Hamilton. Ces publications de Bergèse seront reprises en 2001 chez Miklo dans une intégrale intitulée Biggles, pilote de la R.A.F., où sera rajouté un court récit intitulé Stukas datant des débuts du dessinateur.
Ce n’est qu’en 2007 qu’on retrouve la bataille d’Angleterre dans les bandes dessinées et encore de façon partielle. C’est le cas pour Au-delà des nuages, T2, Combats de Régis Hautière et Romain Hugault (Paquet, 2007), où Pierre Lucas-Ferron, le héros, intègre la R.A.F. comme pilote de chasse en novembre 1941, c’est-à-dire après la fin de la bataille d’Angleterre.
Paradoxalement, c’est au début de celle-ci, que se déroulent dans F.A.F.L. Forces Aériennes Française libres, T1 Opération dynamo de Wallace et Stephan Agosto (Zéphyr BD, 2010), les aventures du pilote français Gabriel Messine, ancien de la Guerre d’Espagne et de la campagne de France, qui rejoint la R.A.F. au début de l’affrontement avec la Luftwaffe durant l’été 1940. Et dans le tome suivant (Zéphyr BD, 2011) et intitulé F.A.F.L. Forces Aériennes Française libres, T2 El condor pasa, Gabriel Messine quitte la R.A.F. fin 1940 pour intégrer la section 3 de S.O.E. (Direction des opérations spéciales) chargée des liaisons aériennes clandestines avec le territoire français. Il quitte le Spitfire pour voler sur Lysander.
Immédiatement après ces deux albums, on assiste à un tir groupé. Tout d’abord, Lady Spitfire de Sébatien Latour et Maza, dont les trois premiers tomes, La fille de l’air (2012), Der Henker (2012) et Une pour tous et tous pour elle (2013), se déroulent pendant la bataille d’Angleterre. L’héroïne, la Française Laure Chevalier, est pilote. Après l’évacuation de Dunkerque, elle réussit à gagner l’Angleterre et être intégrée dans un squadron de la RAF sous l’identité d’un pilote décédé.
Même cadre chronologique pour le tome 2 de la série Lignes de front de Jean-Pierre Pécau et Benoit Dellac sous-titré Le vol de l’aigle (Delcourt, 2014). L’action se déroule durant le Adlertag (jour de l’aigle), le 13 août 1940, summum de la bataille d’Angleterre. Une escadrille allemande de bombardement attaque en rase-motte la base anglaise de Kenle, mais l’opération échoue et un seul appareil allemand rentre à sa base.
On est toujours dans la bataille d’Angleterre avec le one-shot en deux tomes Les ailes de l’espérance de Wallace et Du Caju, dont le tome 1 Anges est sorti chez Paquet en avril 2021 et le entome 2 Démons en septembre de la même année.
Et puis l’Histoire va avancer. L’URSS, le 22 juin 1941, et les Etats-Unis, le 7 décembre de la même année, rejoignent l’Angleterre dans sa lutte contre l’Allemagne hitlérienne. Durant la période qui s’ouvre, c’est la Russie soviétique qui porte l’essentiel du poids de la guerre. En janvier 1943, durant la conférence de Casablanca, à la demande de Staline qui n’a pas pu venir, Churchill et Roosevelt décident d’augmenter significativement leur effort de guerre à l’Ouest pour soulager l’URSS. Commence alors la période des grands bombardements anglo-américains, essentiellement sur l’Allemagne, qui marque la deuxième phase de la guerre aérienne à l’Ouest.
C’est ce que nous verrons dans la troisième et dernière partie de ce dossier