Comprendre l’Occupation avec le hors-série d’HistoriaBD consacré aux Enfants de la Résistance
Pour son retour après une longue période d’interruption, HistoriaBD consacre un album pédagogique clair et richement illustré sur la série jeunesse à succès de Benoît Ers et Vincent Dugomier, Les Enfants de la Résistance. Une belle façon pour les jeunes lecteurs et lectrices d’en savoir plus sur la période de l’Occupation en s’appuyant sur la bande dessinée.
Huit volumes, plus de 1,5 millions d’exemplaires vendus depuis le lancement de la série en 2015, avec son sujet accrocheur, son dessin d’une grande lisibilité, ses personnages attachants et très bien campés qui œuvrent dans un univers d’une grande complexité, la série Les Enfants de la Résistance est une preuve de l’intérêt que suscite la bande dessinée historique auprès du grand public et de sa capacité à jouer un rôle mémoriel. La série scénarisée par Vincent Dugomier et dessinée par Benoît Ers constitue à la fois un récit haletant capable de faire vibrer le lecteur au rythme des péripéties et des drames de ses personnages, et un moyen très accessible de faire comprendre aux enfants la réalité de la vie durant ces années noires. Les auteurs s’appuient en effet sur une riche documentation pour créer le bourg fictionnel de Pontain L’Écluse et imaginer la trajectoire de François, Eugène et Lisa, les trois jeunes héros du récit, qui s’engagent dans la Résistance. La série ne ménage pas ses personnages, dont l’engagement se fait de plus en plus intense au fil des volumes, ce qui permet aux auteurs d’explorer le rôle – bien réel ! – des enfants dans la Résistance, des actions des groupes (sabotage, presse clandestine…) ainsi que la violence de la répression menée par les Allemands, assistés par les collaborateurs. L’intérêt pédagogique et le potentiel immersif des Enfants de la Résistance – les professeurs d’histoire et les documentalistes ne s’y sont d’ailleurs pas trompés – en fait aujourd’hui un outil efficace de diffusion de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale.
Il est donc tout naturel de voir la bande dessinée prolongée par ce solide dossier pédagogique de 132 pages, coédité par Le Lombard et Historia BD, consacré au quotidien et aux combats des enfants durant l’occupation allemande. Cet album, dont l’écriture très accessible est assurée par une belle brochette de journalistes (Patrick Gaumer, Philippe Peter) et d’historiens universitaires (Laurent Joly, Éric Alary, Jean-Yves Le Naour…), comporte une introduction éclairante pour les nombreux amateurs de la série, qui explicite les choix narratifs et graphique des deux auteurs. Le reste de l’album est divisé en trois grandes sections. La première, « Vivre sous l’occupation » traite des enfants perdus, de l’école, de l’alimentation, du sort des enfants juifs, de la guerre des ondes. La deuxième partie, « Résister ou mourir » retrace l’historique et les grands acteurs de la Résistance depuis le 18 juin 1940, sans omettre le rôle de la collaboration. Un article est d’ailleurs consacré à la Milice française, une manière bienvenue d’équilibrer la perspective en évitant de prolonger le mythe d’une France entièrement composée de Résistants. Enfin, la rubrique « Témoignages » regroupe le parcours « de onze de ces enfants de la Résistance, dont l’engagement a été source d’inspiration et a pu enrichir l’histoire au fur et à mesure de l’écriture de la bande dessinée de Vincent Dugomier et Benoît Ers », selon les mots de Philippe Peter (p.110). Ces enfants, qui ont entre 9 et 16 ans lorsqu’il s’engagent, ont su désobéir : au-delà des informations historiques, la capacité à savoir dire non face à l’injustice – y compris lorsqu’elle est portée par l’État français – constitue la plus importante leçon pour la jeunesse, véhiculée par ces parcours de garçons et de filles, qui ont le plus souvent agi comme agents de liaison.
L’album d’Historia BD mêle astucieusement des cases choisies – et parfois commentées, comme ces double pages consacrées aux véhicules (p.44-45), à l’alimentation (p.56-57) et la mode (p.58-59) – de la bande dessinée et des documents historiques. Photographies, affiches de propagande, tracts, lettres d’époque donnent ainsi de la chair à ce dossier. Il faut souligner la qualité de la mise en page de l’album, qui fait cohabiter des dessins et documents de provenance diverses avec les textes des spécialistes. Les petits mots placés dans les boîtes aux lettres par François et Eugène pour appeler les habitants à ne pas se résigner sont par exemple mis en regard avec des écrits d’enfants, comme ce message de remerciement à la BBC (p.79) écrit en novembre 1940, et des tracts manuscrits distribués sous le manteau (p.81) au discours parfois fleuri (« Tu crèveras Laval, vieille crapule »). À cet égard, le dossier nous aide à comprendre les sources du duo Dugomier / Ers, qui transposent dans leur récit des exemples tirés des archives.
Sur le plan pédagogique, les enseignants et les enfants tireront grand profit de la frise chronologique (p.10-11), de la carte de la France occupée et du glossaire qui détaille sigles (STO, TSF, LVF…), notions (communisme, exode) et acteurs (Milice) placés au début du volume. Cet ensemble contribue à faire de ce volume d’Historia BD un complément très utile à une série jeunesse remarquable.
Les Enfants de la Résistance. Leur quotidien, leurs combats et leurs témoignages, 1940-1944. Collectif. Historia BD / Le Lombard. 132 pages. 12,90 euros.
Les dix premières pages :