Corto Maltese et la Grande Guerre : un constant face à face
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Né le 10 juillet 1887 et porté disparu pendant la Guerre d’Espagne, Corto Maltese fait partie de la génération de jeunes hommes qui ont connu la Grande Guerre. Fils d’un père anglais et d’une mère sévillane, il aurait même dû y participer. Mais le marin longiligne n’est pas homme à se ranger derrière des drapeaux. Et puis son goût du voyage le porte bien loin du front européen. Mais revenons plutôt en détail sur le parcours du Maltais pendant les quatre années du conflit mondial. En 1914, si l’on en croit La Ballade de la mer salée, il se trouve dans le Pacifique, lieutenant d’un pirate qui se fait appeler le Moine. A cette occasion, il croise la route de militaires allemands, le IIe Reich possédant en effet colonies et protectorats en Nouvelle-Guinée, ainsi qu’aux îles Samoa, Marshall et Nauru. L’heure n’est pas à l’affrontement, mais bien au contraire aux arrangements. Le Moine offre ainsi ses services et ses moyens matériels à la marine du Kaiser pour prêter main forte le moment venu, en échange d’une récompense en or. En 1916, on retrouve Corto Maltese Sous le signe du Capricorne, en Guyane hollandaise puis au Brésil. Il y est le témoin d’une opération des services secrets britanniques, qui immobilisent un navire de guerre allemand venu se ravitailler. Un an plus tard dans Toujours un peu plus loin, c’est au Venezuela que le marin maltais réapparait. Dans le delta de l’Orénoque, il rencontre un étrange soldat britannique, membre du Artists’ Rifles, un régiment d’artistes volontaires. Déserteur et voleur de la solde de ses camarades, il parvient à trouver refuge dans cet endroit hostile. Traumatisé par l’attaque d’un char allemand sur le front français, il oscille entre délire et hallucination, jusqu’à en mourir.
Lorsque Corto Maltese se rend à Venise en 1917 dans Les Celtiques, la Sérénissime est menacée par l’aviation autrichienne. Le marin subit même un bombardement en règle et abat à la mitrailleuse un avion de la Triplice. Il est même au cœur de la bataille de Caporetto en essayant de retrouver l’or du roi du Montenegro en fuite. La même année, en Cornouailles, il éperonne un sous-marin allemand à l’aide d’un remorqueur. Début 1918, encore plus fort, Corto Maltese assiste à la mort de Manfred von Richthofen, le fameux Baron rouge, abattu dans la Somme le 21 avril. Toujours en 1918 dans Les Ethiopiques, le Maltais parcourt la corne de l’Afrique, des fortins à l’intérieur des terres jusqu’à Djibouti, en côtoyant souvent les troupes britanniques. Ses pas le conduisent à l’embouchure du fleuve Rufiji où git le croiseur léger allemand Königsberg, occupé désormais par les hommes du King’s African Rifles. Enfin c’est à Hong-Kong qu’il apprend la fin de la Guerre en Europe, et qu’il se tourne vers un autre conflit, celui des Russes blancs contre l’Armée rouge, dans Corto Maltese en Sibérie. Même si elle n’apparaît qu’en filigrane, la Première Guerre mondiale est belle et bien inscrite profondément dans la chair et la mémoire du Maltais. Il n’est pas toujours simple de vouloir être « à côté » du monde.
5 planches des Celtiques :