Hypnos visite les dessous de la Conférence de Paris de 1919
Pendant les prémices de la conférence de Paris de 1919, Hypnos plonge le lecteur dans les milieux anarchistes de la capitale. Une immersion que Laurent Galandon et Attila Futaki mêlent aux enjeux des négociations pour définir le traité de paix avec les vaincus de la Première Guerre mondiale. Bienvenue dans le nouveau paysage politique français après la victoire !
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Bien finir une guerre. Voila une des choses les plus difficiles à réaliser lors d’un conflit militaire. Les rancunes et l’esprit de vengeance sont tels que la lucidité indispensable à cette étape cruciale est bien souvent absente de l’esprit des gouvernants (et des populations qu’ils administrent). Et la paix enfin revenue n’est plus alors que le préambule à la prochaine boucherie. De manière très originale pour une bande dessinée, Hypnos prend pour cadre les débuts de la conférence de Paris de 1919, organisée en vue de négocier le traité de paix entre les vainqueurs et les vaincus de la Première Guerre mondiale. D’un côté, la vingtaine de pays alliés dominée par le « conseil des quatre » (France, Royaume-Uni, Etats-Unis et Italie, auxquels s’ajoute de manière périphérique le Japon). De l’autre, les empires centraux et les pays qui les ont suivis, qui ne sont invités à la table des « négociations » que plusieurs mois après le début de la conférence. Le 28 juin 1919 est signé un premier traité de paix – le plus connu, celui de Versailles – mais uniquement avec l’Allemagne. D’autres seront signés jusqu’en août 1920, qui confirmeront l’esprit du conseil des quatre : faire payer les vaincus, et plus particulièrement l’ennemi teuton. Des réparations de guerre astronomiques, le démantèlement de l’Empire allemand, de l’Autriche-Hongrie et de l’Empire ottoman, la confiscation des colonies allemandes, la création de la Tchécoslovaquie, de la Yougoslavie et d’une Société des Nations mort-née, voila le bilan de la conférence de Paris, foyer de la guerre suivante.
Le tome 1 d’Hypnos n’entre pas dans toutes ces explications, puisqu’il se déroule de janvier à février 1919. Mais l’album a le bon goût d’ajouter une couche supplémentaire à ce mille-feuille politique : les anarchistes. Camille Harland, l’héroïne du récit dont le mari a été fusillé après une mutinerie en novembre 1918, est en effet mêlée à ce milieu par l’entremise d’une mission de renseignement pour la police. On peut s’interroger sur la pertinence de la présence d’anarchistes alors que le pic d’activité meurtrière du mouvement date de la fin du XIXe siècle. Même si la loi du 28 juillet 1894 les a nommément désignés persona non grata de la République, les anarchistes adeptes de la violence sont encore présents dans l’Hexagone. Camille côtoie notamment Emile Cottin, qui tire le 19 février 1919 neuf coups de feu à travers la voiture de Georges Clemenceau. Le président du Conseil n’est que légèrement blessé, par un jeune homme qui lui reproche son passé de briseur de grève dans les années 1906-1908, en tant que « premier flic de France ». Laurent Galandon a même l’audace scénaristique de faire intervenir l’autre grande menace pour le pouvoir en place, le communisme. La révolution bolchévique d’octobre 1917 a créé un nouvel ennemi à l’Est, mais les vainqueurs de la Première Guerre mondiale ont autre chose à penser que soutenir les Russes blancs dans la guerre civile. Un parti pris qu’Hypnos utilise à son avantage avec une intrigue policière à tiroirs, portée par les talents d’hypnotisme de la jeune héroïne.
Hypnos T1 L’Apprentie. Laurent Galandon (scénario). Attila Futaki (dessin). Greg Lofé (couleurs). Le Lombard. 56 pages. 13,99 €
Les 5 premières planches :