Le ciel de l’Afrique orientale allemande de 1917, enjeu de L’Aviateur
A travers les souvenirs du pilote Josef Schäfer, le premier volume de L’Aviateur se focalise sur la situation militaire en Afrique orientale allemande en 1917. Jean-Charles Kraehn, Erik Arnoux et Chrys Millien prennent pour toile de fond les combats dans cette partie du monde, et soulignent le rôle de plus en plus important des forces aériennes.
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Pour ceux qui douteraient encore de la pertinence de l’appellation Première Guerre mondiale, le premier volume de la série L’Aviateur peut servir à dissiper la moindre ambiguïté. L’action de ce tome 1 intitulé L’Envol se déroule en effet en 1917 au fin fond de l’Afrique orientale allemande (aujourd’hui la Tanzanie), dans le minuscule village de Kisanga, à des milliers de kilomètres des fronts européens. Toutefois, l’éloignement extrême du cœur du conflit n’empêche pas les habitants de cette région africaine d’être concernés par la guerre. La colonie allemande, dont la superficie atteint au début du XXe siècle 1 000 000 de km² pour 7 700 000 habitants (dont 5 000 européens), est une proie de choix pour les puissances coloniales qui l’entourent. Le Royaume Uni, la Belgique et le Portugal forment donc une Triple-entente pour ne faire qu’une bouchée du voisin germanique. Les forces en présence sont effectivement disproportionnées. D’un côté, des centaines de milliers de combattants, une force navale conséquente et une force aérienne, certes balbutiante mais tout de même dominatrice. De l’autre, 260 Allemands et 2472 askaris des Schutztruppen (soldats indigènes), ainsi qu’un bateau à roues à aubes, un remorqueur, une canonnière et le croiseur léger SMS Königsberg. Même si ces effectifs sont multipliés par dix en un an, le déséquilibre est évident. Et malgré cela, les troupes allemandes que commande le lieutenant-colonel Paul Emil von Lettow-Vorbeck parviennent à tenir tête à leurs ennemis.
Échapper à ses ennemis devrait-on plutôt dire, tant la stratégie de l’armée de von Lettow-Vorbeck consiste à être continuellement en mouvement, tout en réalisant de nombreuses actions de guérilla. C’est dans ce contexte que l’intrigue de L’Aviateur – l’émancipation d’un adolescent fou d’aviation – prend place, à un moment où une belle partie du territoire de l’Afrique orientale allemande est déjà conquise par la Triple-entente (et notamment le village de Kisanga) sans pour autant être venue à bout des troupes de von Lettow-Vorbeck. La bonne idée de Jean-Charles Kraehn est d’aborder la période par le prisme de l’aéronautique. L’utilisation des avions est une des originalités de la Première Guerre mondiale par rapport aux conflits précédents. Mais en Afrique de l’Est, les engins volants sont très rares : 14 hydravions composent la flotte aérienne de la Triple-entente, alors que les forces allemandes n’en comptent absolument aucun. Le scénariste de L’Aviateur imagine donc que le père de son héros Josef Schäfer, missionnaire à Kisanga, possède un Albatros B II, biplan de reconnaissance. Et qu’il va jouer un rôle crucial dans le soutien à la colonne commandée par le capitaine Heinrich Naumann (et non Neumann comme dans l’album), en bombardant la gare de Kahe, centre névralgique du ravitaillement britannique. En réalité, la station ferroviaire fut détruite par un commando des hommes de Naumann, mais montrer par cette astuce l’intérêt tactique des aéroplanes est tout à fait pertinent et illustre leur montée en puissance pendant la Première Guerre mondiale.
L’Aviateur T1 L’Envol. Jean-Charles Kraehn (scénario). Erik Arnoux et Chrys Millien (dessin). Dargaud. 64 pages. 14,99€
Les 5 premières planches :