“L’Économie selon Astérix” à la CITÉCO : le petit Gaulois sur les traces d’Adam Smith et des néoclassiques
Comme Tintin, Astérix est accommodé à toutes les sauces. L’univers du petit Gaulois est en effet tellement riche que ses aventures sont souvent le prétexte à présenter et approfondir des sujets divers et variés. L’exposition “L’Économie selon Astérix”, qui se tient jusqu’au 26 février à Paris à la Cité de l’Économie, en est le dernier exemple en date. A travers ses personnages, ses lieux et ses intrigues, la série créée par René Goscinny et Albert Uderzo offre un convaincant tour d’horizon des mécanismes économiques.
Après Largo Winch en 2021, c’est au tour d’Astérix de passer les portes de la Cité de l’Économie, nichée dans un magnifique hôtel particulier du XVIIe arrondissement, pour se faire porte-parole. Le musée, financé par la Banque de France et inauguré en 2019, a pour but d’expliquer les mécanismes et les notions économiques. Le public scolaire est particulièrement ciblé. Quoi donc de mieux alors qu’une bande dessinée pour présenter de manière ludique des concepts parfois un peu abrupts ?
La visite commence par un tour du village des irréductibles, évoqué par sa palissade, puis se prolonge par la cité avant de se terminer par le monde. Une progression de la micro vers la macroéconomie pour structurer la présentation.
L’exposition consiste en huit grands panneaux qui expliquent chacun un rouage de l’économie. La monnaie et les échanges, le travail, l’économie de marché et l’intervention de l’Etat, l’entreprise, la croissance forment un appareil théorique classique, auxquels se joignent – préoccupation plus récente – la place de la nature dans l’économie, et – actualité olympique oblige – le sport.
Chaque panneau est constitué de plusieurs parties qui mêlent données contemporaines, décryptage plus technique, parallèles avec les albums d’Astérix, point historique à l’époque gauloise et gallo-romaine, ainsi que des documents originaux piochés dans les archives Goscinny et Uderzo. Le tout offre une agréable variété de textes assez courts qui donnent différents éclairages sur chaque sujet.
L’utilisation du contenu des aventures d’Astérix pour illustrer le propos est bien vu et fournit une respiration bienvenue dans la masse d’informations que l’on trouve sur les panneaux. Les albums Obélix et compagnie, Le Domaine des dieux et Astérix et le chaudron sont bien sûr particulièrement sollicités, mais le tour d’horizon des volumes d’Astérix ne s’arrête pas à ces trois opus qui traitent clairement de questions économiques. Le vis-à-vis avec les planches originales est un plaisir supplémentaire tellement le dessin d’Uderzo, de la décennie dorée 1966-1976, est fascinant de maîtrise et de consistance. On ne se lasse pas d’examiner en détail l’œuvre du maestro des gros nez. Cerise sur le gâteau, quelques pages de scénario tapées par Goscinny sont également exposées. On se régale en lisant les descriptifs que le scénariste fournissait au dessinateur.
Les pastilles archéologico-historiques qui replacent les concepts abordés dans la réalité de la vie quotidienne pendant l’Antiquité romaine, sont aussi très intéressantes. Elles permettent de constater les différences avec la situation contemporaine mais également avec le contenu des albums d’Astérix, souvent pas si éloigné que ça de la vérité historique. René Goscinny s’était en effet beaucoup documenté pour écrire ses récits, avec la littérature à sa disposition dans les années 1950-60, bien moins étendue qu’aujourd’hui, l’archéologie ayant comblé beaucoup de lacunes entre temps.
Côté économie, on est pas surpris de trouver dans un musée financé par la Banque de France un certain optimisme libéral (le petit mot écrit par Georges Pompidou, alors Premier ministre, à Albert Uderzo illustre cette impression). Sur les panneaux, on peut lire par exemple que “le marché s’autorégule“, ou que “les dépenses publiques peuvent aussi devenir perturbatrices dès lors qu’elles se substituent au marché et accentuent la pression fiscale“. Le dogme de la “main invisible” du marché a encore de beaux jours devant lui. Inversement, on peut lire également que “le pouvoir d’achat progresse au profit d’une modernité consistant à consommer toujours plus et à accumuler des gadgets“, début de prise de conscience que quelque chose cloche dans le modèle économique.
De par la scénographie et les animations, “L’Économie selon Astérix” est clairement destinée à un public jeune. Mais la richesse du contenu ne laissera pas les adultes sur le bord de la route. Ces derniers pourront même jouer le rôle de passeur pour expliquer des notions peu évidentes pour des adolescents de moins de 15 ans. En tout cas, l’exposition montre une fois de plus que la bande dessinée est un couteau suisse de la pédagogie.
“L’Economie selon Astérix”, jusqu’au 26 février 2024
CITÉCO, 1 place du général Catroux, 75017 Paris
Plein tarif : 10 euros, Réduit : 8 euros, 6-17 ans : 5 euros