Les gladiateurs dans les BD publiées en français : 2/3 Les albums partiellement concernés par la gladiature
Après avoir dressé le panorama des bandes dessinées entièrement consacrées aux gladiateurs dans la première partie de ce dossier, intéressons-nous maintenant aux albums qui n’abordent la gladiature que de manière anecdotique. Immergeons-nous donc dans les classiques des récits situés pendant l’Antiquité romaine.
Lire la 1ère partie du dossier
S’ils ont choisi de ne pas centrer l’intrigue d’un de leurs albums sur les gladiateurs, les auteurs d’Alix, Murena ou Les Aigles de Rome, n’ont pas pour autant fait l’impasse sur la gladiature. Impossible en effet de ne pas faire intervenir un rétiaire ou un mirmillon à la fin de la République ou pendant les premières décennies de l’Empire, tant l’activité est prisée par le public de l’époque. Voici le tour d’horizon des apparitions, plus ou moins furtives, de gladiateurs dans des albums qui ne leur sont pas entièrement consacrés.
Alix
Alix, le plus ancien héros de la BD « romaine », rencontre à cinq reprises l’univers de la gladiature. Dès sa première aventure Alix l’intrépide (publiée dans le Journal de Tintin dès septembre 1948 et en album en 1956), il plonge dans le monde des combattants de l’arène. Assez étrangement, l’auteur Jacques Martin, fait d’un combat de gladiateur le moyen de départager les deux vainqueurs d’une course de chars entachée de sabotage. Ainsi en a décidé le consul Pompée. Il s’agit donc là de ce qu’on qualifie de « duel judiciaire », qui sauf erreur appartient plus au monde médiéval sous le vocable de « jugement de Dieu », christianisation d’un vieux rite germanique, qu’à la culture de l’Antiquité gréco-romaine.
Toujours est-il qu’Alix, qui porte des armes de mirmillon doit affronter Marcus qui est équipé comme un thrace, mais avec un casque de secutor.
Plus traditionnelle est la séquence de combats de gladiateurs dans l’arène au début des Légions perdues, le tome 6 des aventures d’Alix. Agérix, esclave gaulois ayant surpris un secret politique dangereux, est mêlé aux gladiateurs pour que sa mort ne paraisse pas suspecte. Ce combattant inexpérimenté, équipé en mirmillon, affronte un rétiaire, qui le surclasse aisément. Alix saute alors dans l’arène et prend sa place face au rétiaire. Il est à noter que dans ce combat, Alix est équipé comme un mirmillon, mais sans casque.
On aura garde de ne pas oublier Le Fils de Spartacus, tome 12 des aventures d’Alix, sorti en 1975 chez Casterman. Certes, cette fois-ci, le héros ne met pas les pieds dans l’arène. Mais il est pris dans une conjuration utilisant un jeune homme qui pourrait être l’enfant de Spartacus. Au détour des péripéties de cet opus, est évoquée la figure de ce chef des gladiateurs qui entre -73 et -70 av JC, fit trembler la République romaine. À noter que ce titre a été utilisé en 1962 pour un péplum, où le fils de Spartacus (Steve Reeves) aide César à vaincre Crassus.
Deux autres aventures d’Alix le mettent encore en présence de la gladiature. Dans Roma, Roma, sorti en novembre 2005 avec Jacques Martin au scénario et Rafael Moralès au dessin, Alix, toujours partisan de César, doit se défendre pour échapper à un complot pompéien destiné à le discréditer. La dernière séquence se passe sur le sable de l’arène, où Alix affronte son principal ennemi devenu gladiateur. Notre héros ne doit la vie qu’au fait que son adversaire soit tué par un archer, qui agit sur ordre d’un magistrat, un préteur. Nous retrouvons là le concept d’un combat de gladiateurs comme outil de justice, ce qui semble être un contresens historique ainsi que nous l’avons relevé plus haut. Alix descend à nouveau dans l’arène à la fin de l’album Le Serment du gladiateur sorti chez Casterman en novembre 2017 avec Mathieu Breda au scénario et Marc Jailloux au dessin. Une fois encore, Alix vient à la rescousse d’un innocent en danger dans l’arène et parvient à le sauver.
Les Timour
Dans sa série Les Timour, parue entre 1953 et 1992 dans Spirou, et de 1955 à 2006 en album, Sirius conçoit en 1959 un septième épisode intitulé Le Gladiateur masqué. C’est le tracé de vie d’un jeune aristocrate romain du deuxième siècle après JC, qui préfère la gladiature à ses études de droit. Découvert par son père, il doit quitter Rome et partir avec son oncle jusqu’à Lugdunum (Lyon). Là, il vit de nombreuses péripéties et rencontre les chrétiens, dont l’idéologie l’attire. À la fin de l’album, afin de pouvoir faire évader ses amis chrétiens condamnés à la mort dans le cirque, il se déguise en gladiateur. Mais pour sauver son oncle, il est obligé de tuer le misérable qui les avait dénoncés.
En réalité, le titre ne renvoie pratiquement pas au rapport du héros avec la gladiature. En effet, Timour n’apparaît en gladiateur qu’à la page 5 ainsi que dans trois cases de l’avant-dernière planche. Tout le reste de l’album est consacré aux diverses aventures du héros sans aucun lien avec les combattants de l’amphithéâtre.
Murena
En revanche, dans la série Murena, les gladiateurs interviennent très fréquemment, comme hommes de main mais pas dans l’arène. Pourtant la série y démarre : à la case 1 de la page 1 du tome 1 La Pourpre et l’or, on peut voir l’empereur Claude dans sa loge.
Plus loin, Agrippine sa femme regarde les combats dans une arène privée en compagnie du philosophe Sénèque, futur précepteur de Néron. En fait, l’impératrice attend des gladiateurs différents services : sexe et meurtre dont celui de la mère de Murena, qui est la maîtresse de l’empereur Claude.
Dans le tome 2 De Sable et de sang, nous suivons l’esclave nubien Balba, venu dans une école de gladiateurs, apprendre à tuer.
Golgotha
La couverture du tome 1 de la série Golgotha, sous titré L’Arène des maudits, nous incite à croire que cet opus est entièrement consacré à la gladiature et à Lucius, une de ses gloires à Pompéi en 63 ap. JC. Mais en réalité, à coté du tracé de vie tragique de ce gladiateur, se déroulent les tribulations d’un étrange personnage qui semble mystiquement éternel (voir l’article sur Cases d’Histoire).
Les Aigles de Rome
Le dernier en date (octobre 2023) des albums de la série Les aigles de Rome comporte une longue séquence consacrée aux combats de gladiateurs. Là, un mirmillon masqué triomphe de trois adversaires. A la fin de l’affrontement, il ôte son masque et on découvre que c’est Marcus Valerius Falco, un des deux héros des épisodes précédents (voir article sur Cases d’Histoire). Marcus a donc survécu à l’écrasement des légions de Varus en 9 ap JC en Germanie et il cherche dans la gladiature un moyen d’oublier son amertume.
L’Année des quatre Empereurs
Les éditions Gallia Vetus, spécialisées dans les BD historiques sur la période romaine, appuyées sur la documentation archéologique, ont entamé une série intitulée L’Année des quatre Empereurs. Ce titre fait référence à la période de troubles et de guerres civiles qui ont provoqué et suivi le suicide de Néron en juin 68 jusqu’à la prise du pouvoir par Vespasien en décembre 69. Depuis le tome 1, sous-titré Mai 68, sorti en juin 2019, nous suivons les aventures de Quintus Aper, ancien légionnaire.
Dans le tome 2, sous-titré Les 100 jours d’Othon, sorti en janvier 2024, ce même personnage doit ramener de Cologna (Cologne en Allemagne) à Rome la concubine de Vespasien. De la page 6 à la page 9, se déroule dans le palais d’Othon un combat de gladiatrices (une thrace contre une mirmillonne) avec comme unique spectateur cet Empereur du moment.
Publications pédagogiques
Il existe aussi une habitude d’édition, de plus en plus fréquente, de placer en fin d’album un cahier pédagogique. Depuis 2009, chaque album de la série Arelate possède le sien. C’est aussi le cas pour la série L’Année des quatre Empereurs, comme pour toutes les parutions des éditions Gallia Vetus, qui portent en exergue « Histoire, Archéologie & Bande Dessinée ». Ceci s’explique par le fait que les progrès enregistrés par l’archéologie, en particulier par cette discipline en plein essor que l’on dénomme « archéologie reconstitutive » ou « expérimentale », fournissent une abondante documentation tant scientifique qu’iconographique aux auteurs de BD.
Plus classique est la publication scientifique Les Gladiateurs, agrémentée des dessins « style Jacques Martin » dans la collection Les Voyages d’Alix sortie en 2017 chez Casterman.