Les Pirates de Barataria : le baroud d’honneur de Napoléon Ier en Louisiane ?
En 1812, pour des raisons électoralistes, le président américain Madison déclare la guerre à l’Angleterre, qui, quant à elle, ramènerait bien dans son giron ses treize ex-colonies. 1814 pourrait s’achever en apothéose pour les Anglais : après leur raid victorieux sur Washington en août, ils s’apprêtent à écraser les troupes américaines à la Nouvelle Orléans en décembre. C’est l’occasion pour Marc Bourgne et Franck Bonnet de rappeler le rôle éminent joué par le corsaire Jean Lafitte lors de cette bataille, et d’esquisser un rôle pour le pire ennemi des Anglais, exilé sur l’île d’Elbe …
À peine remise de ses émotions égyptiennes, la belle Artémis Delambre reçoit l’ordre de son père Napoléon d’embarquer en compagnie de « monsieur Charles », un parfait inconnu, vers une destination chargée de souvenirs : Barataria. Qui est ce nouveau garde du corps, qui n’a ni la stature d’un Roustan ni le charme envoûtant d’un capitaine François ? Son nom est Charles Louis Schulmeister, il est espion au service de l’Empereur, certes « provisoirement » déchu, mais certainement pas définitivement écarté du jeu diplomatique européen. N’aurait-il pas déjà, en effet, échafaudé son plan pour revenir au pouvoir sur le sol français ? Ce plan prévoirait-il une diversion occupant la diplomatie et une partie des troupes navales anglaises loin de l’Europe ?
Sur une trame spatio-temporelle parfaitement maîtrisée et solidement implantée dans une Louisiane vendue par la France en 1803 mais pas encore contrôlée par les autorités états-uniennes, Marc Bourgne invente, un peu à la manière de Dumas, une histoire tout-à-fait crédible pleine de rebondissements. Dans le décor des plantations et des inextricables bayous servant de cachettes aux fuyards, les corsaires de Barataria subissent d’abord la loi du gouverneur Clairborne, ce qui conduit le fringant Dominique You au Cabildo, la prison de la Nouvelle Orléans. Mais une ruse et un abordage donneront à Artémis et à Schulmeister une monnaie d’échange de bon aloi pour négocier l’élargissement de toute la bande de corsaires… et même la grâce du président Madison pour les frères Laffite ! Il faut dire que l’heure est grave : la Louisiane est menacée d’invasion. Et aussi inimaginable que cela puisse paraître au gouverneur, le général Jackson estime que l’aide des frères Lafitte et de leur bande de corsaires représente l’ultime chance pour la Louisiane de rester libre.
À la tension des préparatifs de la bataille s’ajoute une vague de mélancolie pour Artémis…Revoyant Dominique, son premier amour, elle apprend qu’il est marié à Hopiah, une indienne de la nation choctaw. Pourquoi n’est-il pas le père de cet enfant qu’Artémis traîne discrètement dans son sillage – et qu’elle a prénommé Dominique en souvenir de son bonheur passé ?
Dans Gaspésie, huitième et avant-dernier tome de la saga Pirates de Barataria, Bourgne parvient une fois de plus à greffer avec finesse les aventures imaginaires de ses héros sur le grand mât de l’Histoire. Franck Bonnet, fidèle illustrateur de la série depuis ses débuts, confirme sa maîtrise du dessin maritime. La splendeur des frégates et autres sloops le dispute au réalisme des scènes d’abordage et de combat naval. Cette belle collaboration prendra fin, hélas ! lors du prochain épisode, déjà intitulé Chalmette. Et en attendant sa publication, rappelons-nous que le vrai héros français de la Louisiane, celui qui a donné son nom à l’une des plus grandes réserves naturelles de la Nouvelle Orléans et à un village de la baie, c’est ce flibustier de Jean Laffite, n’en déplaise à la fille naturelle de Napoléon !
Les pirates de Barataria t.8 Gaspésie. Marc Bourgne (scénario). Franck Bonnet (dessin). Isabelle Charly (couleurs). Glénat.48 pages. 13,90 €
Les 5 premières planches :