Margaret Sanger, femme rebelle dans l’Amérique du XXe siècle
Margaret Sanger, ce nom est peu connu des Français et des Françaises, pourtant le combat qu’elle a mené dans le monde, sa vie durant, a révolutionné le rapport des femmes, puis des hommes avec la maternité. Ce comics de Peter Bagge raconte sans fard et en détail, une vraie vie héroïque.
L’histoire du féminisme est marquée par de grandes figures comme Margaret Sanger, souvent méconnue, voire ignorée. Pourtant leur action a été capitale pour faire changer les choses. Femme de science, femme libre dans tous les sens du terme, Margaret Sanger a livré le combat pour la libération des femmes à travers la libéralisation de la contraception et du choix pour les femmes, d’avoir ou non des enfants. Fondatrice du journal Women Rebel et créatrice du Planning familial, Margaret trouverait encore aujourd’hui bien des raisons de poursuivre son action incessante.
Fille d’immigrés irlandais, d’une mère profondément catholique et d’un père socialiste athée, Margaret a dix frères et sœurs, dont certains meurent très jeunes (sa mère connait 18 grossesses en 25 ans), il semble qu’elle vive une jeunesse heureuse dans une famille soudée. Partie du cocon familial, elle choisit le métier d’infirmière et c’est à New York qu’elle découvre le désastre sanitaire et social qui frappe les femmes pauvres. Toute sa vie à partir de là est consacrée aux femmes et à la mise en œuvre de tous les moyens possibles pour contrôler les naissances en leur donnant le contrôle de leur corps et de leur sexualité. Elle bataille durement, jusqu’à faire de la prison, contre les médecins et les hommes politiques de son temps, pas seulement aux États-Unis mais aussi dans le monde entier. Grande voyageuse, elle donne des conférences partout, en Europe, au Japon, même en Inde où elle est déçue par Gandhi, trop rigide sur la place à donner aux femmes. La liberté est son mot d’ordre : liberté des corps, liberté de parole, d’opinion et sexuelle. Mariée deux fois, elle ne cache jamais qu’elle a de nombreux amants. Son ultime combat est de permettre la diffusion de la pilule contraceptive mise au point vers la fin de sa vie.
Ce rapide résumé ne rend pas forcément justice au roman graphique de Peter Bagge. Admirateur de son héroïne, il ne se laisse pas « avoir » par son aura, et reste très critique devant ses prises de position excessives et souvent contradictoires. Habitué des revues underground américaines, son dessin peut nous sembler inhabituel pour raconter une telle histoire. Très expressif, il ne recule devant aucune mimique, aucune expression excessive pour faire avancer son récit.
Un autre intérêt de cet album réside dans la peinture de l’intelligentsia progressiste américaine de l’entre-deux-guerres puis de l’après guerre. On y rencontre nombre d’écrivains, de peintres, de philosophes ou d’activistes inconnus pour nous. Les querelles politiques ou idéologiques des protagonistes hommes et femmes sont incessantes et nourrissent la hargne comme la réflexion de Margaret. Tout cela, comme tous les détails de la vie de Sänger, est soutenu par de très nombreuses et très documentées notes biographiques ou d’explications d’événements de l’Histoire américaine absolument indispensables pour le lecteur français.
On peut toutefois avoir un regret. Le découpage est très dense, une case représentant un événement, et vu le nombre d’événements qui jalonnent la vie de Margaret, on assiste à un enchainement trépident qui ne laisse pas beaucoup de place pour respirer. C’est dommage mais ça n’enlève pas l’intérêt et le plaisir qu’il y a à découvrir la vie de cette femme à qui nous devons tous beaucoup.
Femme rebelle, l’histoire de Margaret Sanger. Peter Bagge (scénario et dessin). Editions Nada. 112 pages. 18€
Les 7 premières planches :
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