Notre Amérique : retrouver le goût de vivre après la Grande Guerre
Dans Notre Amérique, de Kris et Maël, apparaissent en filigrane les conséquences de la Première Guerre mondiale. Malgré la paix retrouvée, Julien et Max, deux soldats démobilisés, peinent à reprendre leur place dans la société. C’est un autre combat qui va les emmener de l’autre côté de l’Atlantique.
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Dans l’imaginaire collectif, l’armistice ou la capitulation d’un des belligérants sonne la fin d’une guerre. Même si effectivement les combats cessent, la réalité est souvent beaucoup plus complexe. Les acteurs du conflit – et en premier lieu les militaires – ne sont en effet pas pour autant délivrés de ce qu’ils ont vécu. A ce titre, le cas de la Première Guerre mondiale est particulièrement significatif. Sortir de quatre années d’horreur n’a pas été simple pour les combattants des deux camps. Vivre désormais avec un corps meurtri a été le fardeau de centaines de milliers de jeunes soldats. Affronter le regard des autres a été une épreuve quotidienne pour les gueules cassées. Quant aux séquelles psychologiques, elles ont touché – plus ou moins profondément – chaque homme parti au front, englouti dans l’enfer des tranchées. Pour les Français, pourtant vainqueurs, retrouver leur place dans une société quittée pendant quatre années n’a pas été plus facile. C’est une autre France que les poilus découvrent une fois démobilisée, marquée par le rôle plus important pris par les femmes, l’émergence de nouvelles idéologies et de nouveaux modes de vie. C’est dans ce contexte que débute Notre Amérique, le 12 novembre 1918, entre Nancy et Coblence. Les soldats Julien Varin et Max Brunner sont seuls dans une voiture d’état-major de l’armée française. Le premier porte un uniforme bleu horizon, le second la tenue allemande. Ils roulent de concert vers Paris.
A priori, tout sépare Julien et Max. L’un rentre à Paris en vainqueur, l’autre quitte la guerre la tête basse, désarmé. L’un est l’héritier d’une famille d’industriels, l’autre est plus proche des prolétaires. L’un est calme et introverti, l’autre est plus enflammé et grande gueule. Il n’empêche que Julien consent à prend à son bord vers la capitale un Max défait, et qu’un semblant d’amitié naît entre eux deux. Peut-être, finalement, que leurs points communs sont plus forts que leurs différences. Certes, Max a combattu dans l’armée allemande, mais il est Alsacien, donc redevenu Français à l’armistice (en réalité, l’Alsace ne retourne officiellement dans le giron français qu’à la signature du traité de Versailles le 28 juin 1919). Certes, Julien fait partie d’une famille très aisée, mais tout montre qu’il est en rupture de ban avec ses proches. La guerre a bel et bien redistribué les cartes. Écoeuré par la mécanique implacable qui a plongé des millions d’hommes dans un bain de sang, Max a affermi ses convictions anarchistes. Et Julien, qui n’a visiblement plus grand-chose à attendre de la vie parisienne, n’est pas insensible à l’énergie que dégagent Max et ses amis. Par sa violence inédite, la Grande Guerre a créé les conditions d’un départ des deux compères outre-Atlantique. Toutefois, ils ne se dirigent pas vers les Etats-Unis, pays de cocagne pour faire fortune. Notre Amérique concerne en effet la poudrière mexicaine, qui attise le désir de Max de participer à l’avènement d’un monde nouveau. Mais ceci est une autre histoire.
Notre Amérique. Kris (scénario). Maël (dessin et couleurs). Futuropolis. 64 pages. 16 €
Les 5 premières planches :