Polikarpov I-16, La Mouche de Moscou, un chasseur soviétique règne dans le ciel de la Guerre d’Espagne
Comme tout conflit d’importance, la Guerre civile espagnole a vu, sous la pression des nécessités militaires, l’émergence de nouvelles armes. Dans le domaine aéronautique, ce rôle revient à un chasseur de fabrication soviétique, le Polikarpov I-16, qui sera en 1936 le précurseur des avions de chasse de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à l’arrivée des appareils à réaction. Petit, rapide et redoutable à cause de sa puissance de feu, mais difficile à manœuvrer, cet appareil a reçu plusieurs surnoms : « l’âne » pour les soviétiques, « la mouche » (mosca en espagnol) pour les républicains et « le rat » (rata en espagnol) pour les franquistes. Pour Warbirds, Polikarpov I-16, la mouche de Moscou, Richard D. Nolane et I. S. Fiki ne disposaient pas d’un personnage historique précis associé à ce type d’avion. Ils ont donc mis un pilote de fiction aux commandes de cet appareil dans le ciel d’Espagne (jusqu’à la page 46), puis en Chine et en URSS pour les quatre dernières planches.
Avant de rentrer dans cette aventure, il est nécessaire de faire rappel des évènements qui amenèrent des chasseurs soviétiques à intervenir dans la péninsule ibérique. Les 17 et 18 juillet 1936, a lieu une tentative de coup d’Etat des forces nationalistes espagnoles pour renverser la République gouvernée depuis les élections de février par une coalition de gauche et d’extrême gauche. Mais la résistance populaire ainsi que la fidélité d’une partie de l’appareil d’Etat fait échouer en grande partie ce pronunciamiento. S’engage alors une guerre civile entre nationalistes et républicains qui ne prendra fin qu’en mars 1939 par la défaite de ces derniers.
Quand les premiers I-16 soviétiques arrivent en Espagne en novembre 1936, quelle est la situation militaire ? Au Sud, après avoir franchi le détroit de Gibraltar grâce au pont aérien organisé par l’aviation allemande et italienne, les troupes franquistes se sont emparées de Séville et ont désenclavé Grenade et Cordoue. Elles sont ensuite remontées vers le Nord en suivant la frontière portugaise. Elles ont ainsi fait leur jonction avec les forces du Nord, qui entre-temps avaient isolé de la France le Pays basque républicain. Ainsi réunies en un seul bloc, les forces franquistes concentrent leurs efforts sur Madrid, qui est atteinte début novembre 1936. La ville, encore aux mains des républicains, s’apprête à soutenir le choc.
Durant ces six premiers mois de la guerre civile, l’arme aérienne a fait montre de son rôle fondamental tant en ce qui concerne le bombardement, les attaques au sol que le transport rapide. Sur ce terrain-là, les républicains sont rapidement en difficulté. C’est ce qui est évoqué dans la dernière case de la page 3, où l’on voit deux chasseurs allemands Heinkel He-51 aux couleurs franquistes descendre un bombardier Potez 540 livré par la France aux républicains. Cette situation est également bien racontée dans l’opus de Gerardo Balsa, L’ombre du Condor, 1936 Duel sous le ciel d’Espagne sorti en septembre 2019 aux Éditions du long bec, qui a l’avantage d’avoir en fin d’album quatre planches de fiches techniques des avions présents en Espagne durant cette période.
Les Polikarpov I-16 prennent donc une part active à la bataille de Madrid (novembre 1936-mars 1937). C’est sans aucun doute en grande partie grâce à eux que la capitale espagnole n’a pas été écrasée par les bombes et n’est pas tombée aux mains des franquistes à ce moment-là. L’action d’une autre BD, Double 7 de Yann et Juillard sortie en octobre 2018 chez Dargaud, prend place aussi lors de la bataille de Madrid et le personnage principal est… un pilote soviétique de Polikarpov I-16 ! D’ailleurs, deux épisodes dramatiques signalés comme authentiques aux pages 17 et 21 de La mouche de Moscou se trouvent déjà aux planches 17, 22 et 27 de Double 7.
Ce n’est qu’après la bataille de Madrid que le Polikarpov I-16 perd sa supériorité avec l’arrivée dans le conflit espagnol du nouveau chasseur allemand le Messerschmitt BF 109, avec ses caractéristiques légèrement supérieures au chasseur soviétique : plus grand et plus solide, plus rapide et pouvant mieux grimper en altitude. Le Polikarpov I-16 gardant sa supériorité en combat tournoyant, les pilotes allemands mettent au point des tactiques de surprise et de rupture de combat, où les soviétiques ne peuvent les suivre. Ce sont ces premières rencontres entre ces deux type d’appareil que nous trouvons dans Double 7, page 45 et dans Polikarpov I 16 La mouche de Moscou, page 40.
Mais ce n’est pas la première fois que le Polikarpov I-16 est présent dans les BD sur la Guerre d’Espagne. Déjà Giroud et Dethorey l’avaient utilisé comme élément de décor dans La cinquième colonne, le tome 11 de Louis la Guigne, sorti en 1995 chez Glénat. Un peu plus tard, Giardino avait fait de même dans Rio de sangre, le quatrième album de la série Max Fridman sorti en 2002 également chez Glénat.
Tant dans Double 7 que dans Warbirds, Polikarpov I-16, la mouche de Moscou, les auteurs n’ont pas manqué de souligner l’importance des menées politiques du pouvoir soviétique sous la coupe de Staline.
Warbirds T2 Polikarpov I-16, La Mouche de Moscou. Richard D. Nolane (Scénario). I.S. Fiki (Dessin). Vladimir Davidenko (Couleurs). Soleil. 52 pages. 15,50 euros.
Les sept premières planches :