Révolutionnaires ! T3, quand des gamins nantais plongent dans la première guerre de Vendée
Avec le tome 3 de Révolutionnaires !, Régis Hautière et Xavier Fourquemin, continuent de suivre les aventures tumultueuses de Célinie de Montencourt et de la petite bande de gamins de la rue, Titor, Pince-Mitraille, menée par Mélina dans la France en révolution, plus précisément à Nantes en 1793, au moment où la guerre de Vendée et la chouannerie vont jeter toute la région dans une guerre atroce.
La bande des quatre affronte la perfidie du marquis de Valoire, oncle de Célinie, celui-ci ne reculant devant rien pour conserver l’héritage de sa nièce. Ses hommes de main fricotent avec les truands qui tiennent le cœur de la ville, autour du Bouffay, et qui infiltrent la police nantaise, jusqu’à tuer le commissaire Turpin, brave homme un peu naïf, ayant compris trop tard le jeu qu’on lui faisait jouer.
Célinie qui avait été capturée par le chef des truands, Mange-Doigts, pour le compte de Valoire, renverse l’alliance et contre-attaque avec Titor, Pince-Mitraille et Mélina. Ils sont rejoints par une nouvelle venue, Léocadie, fille du précepteur dévoué de Célinie. L’intervention de Léocadie, habillée en homme est escrimeuse redoutable, déjoue les plans de Valoire. Mais étant accusée d’être les meurtrières de Turpin, Léocadie et Mélina doivent cependant quitter Nantes. Le tome 2 s’arrête sur leur départ à la recherche du précepteur emprisonné dans le château de Valoire, près de Machecoul, au sud-ouest de Nantes.
Le tome 3 s’ouvre sur leur arrivée à Machecoul et leur intrusion dans le château. Elles y affrontent le fils de Valoire, Enguerrand, fringant – et bien naïf – officier, hésitant entre rester fidèle à l’armée républicaine ou prendre la tête de l’insurrection contre-révolutionnaire [p. 11]. Le duel est remporté par Léocadie aidée in extremis par Mélina. Leur duo inattendu est imbattable, puisque, avec l’épée de l’une et le bâton de l’autre, il terrasse aussi les sbires de Valoire avant de libérer le précepteur au terme d’un combat acharné.
Entre temps, Enguerrand accueille des troupes qui se préparent à l’insurrection contre la Révolution, jusqu’à faire manœuvrer des paysans armés de bâtons. Mélina et Léocadie, cachées, le reconnaissent et tombent manifestement sous son charme – prélude des péripéties ultérieures [p. 38].
A côté de ce qui se passe autour du château, l’unité entre les gamins, Célinie et Mange-Doigts est confirmée contre Valoire mais aussi contre le nouveau commissaire qui s’est rallié à lui en espérant s’enrichir – espoir qui paraît d’avance bien compromis – tandis que le maire, vieil homme, dépassé par les événements, se prépare (et nous prépare) à des conflits bien compliqués entre partisans de la République et contre-révolutionnaires. C’est alors que Titor et Pince-Monnaie, partis à la recherche de documents qui compromettraient définitivement Valoire, se font pincer ; suite à attendre dans le tome à venir.
Le tome 3 s’achève sur une situation en équilibre très instable : quel choix fera Enguerrand ? Comment Célinie et Mange-Doigts vont-ils pouvoir déjouer les complots de Valoire, complots devenus politiques [P. 52] ? Comment Mélina et Léocadie vont-elles conjuguer leur féminité et la virilité de leurs comportements, leur lutte contre Valoire et leur attirance pour Enguerrand, leur proximité avec le petit peuple et l’insurrection paysanne ?
Le tome 3 est très marqué par des pages entières de combats [p. 19, 47] ou de machinations [p. 35] qui accentuent le caractère rocambolesque de l’histoire principale, au détriment de la trame même de l’histoire et de la compréhension des personnages, qui demeurent très schématiques et restent figés dans leurs traits principaux ; tout cela se surimposant sur le contexte historique, malmené. Le paysage urbain ne correspond guère à ce que l’on connaît de la ville à la fin du XVIIIe siècle. Sans doute la reproduction de la tour du Bouffay est-elle juste, mais elle ne contrebalance pas l’image très médiévale donnée à Nantes, qui était alors l’une des villes marquées par l’urbanisme le plus récent permis par les fortunes acquises par les armateurs [p. 32].
Le paysage rural est tout aussi étonnant. Machecoul, bien connu pour des épisodes dramatiques, est ici au cœur d’un parc entouré de forêts effrayantes, bien loin du bocage du Pays de Retz comme le château (ou les deux qui sont ici présentés) est bien éloigné des demeures des hobereaux locaux qui allaient devenir, souvent contre leur gré, chefs des armées vendéennes (p. 1). Leurs troupes ne sont que des paysans rustauds en contradiction totale avec ce qui est bien connu des soulèvements de 1793, effectués par des groupes déterminés et autonomes.
L’articulation avec les événements parisiens est toute aussi problématique. Le 1er janvier 1793 (p.14), Léocadie convertit la date en 10 Nivôse An I, en précisant que le calendrier républicain sera en vigueur dans quelques mois. Or, le projet n’étant, début 1793, qu’à l’état d’ébauche au sein du Comité d’instruction publique, on voit mal comment la jeune fille peut jongler avec un calendrier qui ne sera dévoilé que neuf mois plus tard. . Quant au procès du roi, il est réduit à peu de choses. Les craintes qu’il pourrait entrainer des troubles dans Nantes lors de l’énoncé du verdict, n’ont aucune crédibilité. Les Nantais étaient globalement partisans de la République et les émotions publiques furent quasiment insignifiantes dans le pays [p. 22].
Au final, la bande des quatre, devenue bande des cinq, en attendant que le sixième, le bel Enguerrand, arrive, n’a ni cohérence ni évolution. Le lecteur en éprouve du regret en se rappelant la série consacrée aux « Lulus » traversant la guerre de 1914-1918, passant de l’adolescence à l’âge adulte, bande dessinée dont Régis Hautière avait fait le scénario. Que le lectorat visé dans celle-ci soit certainement des jeunes adolescents, quand celui des « Lulus » était à l’évidence composé de lecteurs un peu plus âgés, ne justifie par cette histoire finalement décousue, manichéenne et peu appuyée sur l’histoire, qui est invoquée sans être correctement évoquée.
Révolutionnaires ! T3 Le roi est mort, vive la République !. Régis Hautière (scénario). Xavier Fourquemin (dessin). Amparo Crespo Cardenete (couleurs). Le Lombard. 64 pages. 12,95 euros.
Les treize premières planches :