Robespierre, austère incarnation de la Révolution
Dans une collection qui balaie l’Histoire du monde en suivant la vie des grands personnages de Vercingétorix à Kennedy, Robespierre a évidemment toute sa place. Le souci affiché de transmettre des connaissances scientifiques justifie la place faite au spécialiste de la Révolution française Hervé Leuwers, professeur à l’université de Lille et auteur d’une récente biographie de Robespierre. Les huit dernières pages sont ainsi consacrées à une présentation pédagogique de la période révolutionnaire. Si la collection “Ils ont fait l’Histoire” est de qualité inégale, certains albums méritent qu’on s’y arrête. Robespierre, de Mathieu Gabella et Roberto Meli est de ceux-là.
Dans cette perspective, seules quelques grandes étapes de la vie du héros sont retenues : son départ pour les états généraux de 1789, quelques interventions marquantes entre 1789 et 1791 puis autour de la déclaration de la guerre et de la chute de la monarchie, et enfin autour des luttes entre groupes et personnalités comme Brissot, Marat et Danton. Le choix du scénario est radical : sa jeunesse marquée par la mort de sa mère, ses longues années d’études, et sa carrière d’avocat à Arras sont oubliées. Pour autant, reconnaissons que ces épisodes trop souvent rappelés pour justifier la trajectoire de Robespierre ne méritent pas l’attention qui leur est dévolue. Centrer l’histoire sur l’itinéraire politique du héros se comprend bien – même si l’ouvrage s’adresse alors nettement à ceux qui connaissent déjà le personnage.
La chronologie se fait rapide avec des vignettes consacrées à la guerre civile ou extérieure ainsi qu’aux violences, qui sont souvent elliptiques et font ainsi écho à des faits supposés connus. Une page entière présente l’exécution de Danton et de Desmoulins face à une autre qui montre l’apothéose de Robespierre lors de la fête de l’Être suprême en juin 1794, qui consacre véritablement sa place prépondérante à la Convention et dans le pays. Et d’un seul coup, les ultimes pages dessinées sont centrées autour de la sœur de Robespierre, parlant « vers 1830 » avec le premier historien. C’est par ce biais que la chute et l’exécution de Robespierre sont racontées, le recueil s’achevant sur les yeux déterminés de Robespierre, allongé sur une table, blessé, vaincu mais toujours essentiel. N’est-il pas comparé à Brutus, homme qui écoute le peuple pour le meilleur… et pour le pire ?
Si le projet est respectable, la réalisation est discutable. Alors que les lieux respectent fidèlement les gravures de l’époque, la ressemblance avec les portraits de Robespierre est parfois incertaine. Il est régulièrement présenté en colère, combatif voire violent, au-delà de ce qui est régulièrement dit de son caractère, certainement renfermé voire ombrageux. Son rôle est évidemment considéré comme le plus important dans la France révolutionnaire, ses discours étant pourtant réduits à quelques formules, si bien que si le fil général des événements est suivi, c’est au prix d’une grande complexité, qui ne rend pas la lecture aisée pour ceux qui ignorent le déroulement des faits. Reste un album qui ne cache pas son engagement en faveur de son héros présenté sous un jour austère, et qui demeure encore, au XXIe siècle, un enjeu discuté de la mémoire nationale !
* Robespierre, Hervé Leuwers, Fayard, 472 pages, 25 €
Robespierre. Mathieu Gabella (scénario). Roberto Meli (dessin). Hervé Leuwers (conseiller scientifique). Arancia studio (couleurs). Glénat. 56 pages. 14,50 €
Les 6 premières planches :
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