Une guerre de 14-18 “Maudite !” pour 22 auteurs européens
Avec le recueil de récits courts Maudite !, c’est une vingtaine de regards différents – tous contemporains, sauf un – qui sont posés sur la Première Guerre mondiale. Une diversité qui ausculte le conflit sous (presque) toutes les coutures.
Cet article a précédemment été publié sur le site du
La représentation de la Première Guerre mondiale dans la bande dessinée francophone est très « francocentrée ». Il est en effet assez rare de voir des albums qui s’éloignent de l’armée française et des tranchées. L’appréhension du conflit par le lecteur hexagonal en est ainsi quelque peu biaisée. En coordonnant ce recueil de 27 récits ou illustrations, Vincent Vanoli a peut-être eu cette constatation en tête en proposant à cinq auteurs belges, italiens et allemands (en ajoutant les dessins sur le vif d’un soldat anglais) de se joindre aux 17 artistes français, dont Edmond Baudoin, Jochen Gerner, Lolmède et David B., pour ne citer que les plus connus. Au-delà de cette diversité de nationalités, c’est une vraie variété de ton et de propos qui est offerte au lecteur. Si toutes les planches se rejoignent sur un point, l’usage du noir et blanc, elles divergent pratiquement sur tout le reste. Certains prennent ainsi appui sur des histoires de famille ou des souvenirs personnels. Grégoire Carlé raconte son expérience d’enfant avec la baïonnette – la Rosalie – de son arrière-grand-oncle. Géraldine Kosiak évoque son grand-père Jules, décoré par l’Etat français 60 ans après la fin du conflit. José Parrondo replonge à l’époque de ses dix ans, quand ses deux héros s’appelaient Georges Guynemer et Charles Nungesser. Et que dire de la reproduction de trois illustrations de JM, un soldat anglais qui traduisit en dessin, pendant le conflit, l’épreuve de la guerre.
Si Lolmède raconte sa visite de la section Grande Guerre du musée de l’Armée aux Invalides, Nylso réfléchit à sa façon de représenter le conflit et Troub’s questionne les Polynésiens sur l’impact de la guerre sur leurs atolls, une partie du collectif préfère décrire des événements réels mais qu’ils n’ont pas vécu. La « révolution strasbourgeoise » de novembre 1918, deux cartes postales ou une lettre de Guillaume Apollinaire à Lou, transportent le lecteur 100 ans en arrière, dans des atmosphères très différentes. Le reste des artistes de ce recueil choisit la fiction en s’attachant à certains destins, comme ces deux amis contraints de combattre l’un contre l’autre après la mobilisation, ces femmes allemandes qui ont remplacé les hommes dans les usines pour produire les nouveaux modèles de casques ou ce chien militaire qui déambule dans les tranchées et subit une attaque au gaz. Enfin, un dernier groupe de dessinateurs prend de la hauteur pour réfléchir sur l’absurdité de certaines tactiques, l’avènement de la guerre technologique, les traumatismes psychologiques des survivants ou la sempiternelle rengaine des guerres meurtrières. On le voit, à travers toutes ces visions du conflit (et presque autant de styles graphiques), c’est une multitude de facettes de la Première Guerre mondiale qui sont détaillées. Il fallait bien 112 pages pour en aborder le plus grand nombre et laisser le lecteur un peu groggy par l’évocation kaléidoscopique de cette folie meurtrière.
Maudite !. Collectif. L’Association. 112 pages. 20€
Quelques pages du recueil :
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