Chronologie dessinée de la Guerre civile espagnole
Après le Seuil avec Histoire dessinée de la Guerre d’Algérie de Benjamin Stora et Sébastien Vassant, Belin livre à son tour un gros roman graphique de vulgarisation historique, avec l’historien Paul Preston au scénario et José Pablo Garcia au dessin. Mise au point ambitieuse, cette histoire de la Guerre civile espagnole a le mérite de mettre à portée du plus grand nombre une synthèse minutieuse, sérieuse et documentée.
Paul Preston est un historien britannique spécialiste de l’Espagne contemporaine et plus particulièrement de la Guerre civile. Une guerre d’extermination. Espagne, 1936-1945, son dernier livre paru lui aussi chez Belin, en 2016, a été l’objet de polémiques tant sur la méthode que sur les conclusions qu’il tire de ses réflexions. Ce roman graphique échappe à ces critiques. Le ton est pondéré, équilibré, même si on sent bien que sa sympathie ne va pas vers le franquisme.
Le découpage est, de manière classique, chronologique. Mais le grand intérêt de l’album est que Preston remonte à la fin du XIXe siècle pour remettre le conflit dans une perspective plus large et donner au lecteur les clefs pour comprendre ce conflit majeur du XXe siècle. L’historien montre avec intelligence que l’orage n’éclate pas en 1936 dans un ciel bleu mais que les nuages s’amoncellent depuis le début du siècle.
Jusqu’en juillet 1936, le pays est en proie à une grande instabilité politique. Entre royauté et république, les partis se déchirent sur fond de bouleversements économiques d’un pays très rural dans lequel la grande majorité de la population est soumise aux grands propriétaires, aux industriels et à l’église catholique. Après la Première Guerre mondiale, l’armée prend de plus en plus d’importance. Les gradés prennent vite conscience de leur pouvoir potentiel et voient dans la montée des républicains et des socialistes, l’arrivée en Espagne du communisme qu’ils abhorrent. La guerre du Rif (1920-1926) contre les marocains d’Abdelkrim leur donne l’occasion de s’aguerrir et d’organiser de solides réseaux d’influence. Une grande partie des troupes de Franco est constituée de régiments de choc qui arriveront du Maroc.
Le manque de réformes économiques, de redistribution des terres, le blocage de la société par les partis conservateurs au début des années 1930 provoquent des troubles importants, des révoltes qui déboucheront sur la défaite de la droite et la victoire de la République, mais pour peu de temps. Si tout est raconté avec beaucoup de minutie et de détails par Paul Preston, le récit est quelquefois un peu touffu et difficile à suivre, ce qui en dit long sur notre degré d’ignorance de l’Histoire d’un pays pourtant si proche de nous.
La bande dessinée est ici parfaitement utilisée pour décrire l’enchaînement dont profitent les franquistes pour tirer parti des querelles qui déchirent le camp républicain. Constitué de petites vignettes (une image = un événement), le découpage et la mise en scène permettent de comprendre facilement la succession des multiples évènements. Les personnages sont présentés avec une petite fiche biographique et la qualité des portraits, fidèles et bien caractérisés, facilite – pour nous qui ignorons le plus souvent qui sont ces gens – le suivi des actions et leur compréhension. Ce gros volume de 240 pages pourrait être totalement indigeste si José Pablo Garcia n’avait par recréé l’ambiance de l’époque en intégrant dans son récit des images allégoriques, des reproductions dessinées de documents d’époques, de journaux, d’affiches ou de photographies très connues qui ont marqué les mémoires.
D’apparence touffue, cet album ne se lit pas en cinq minutes. Beaucoup de textes, clairs et riches d’informations, associés à des dessins intelligents font de cette chronique de la Guerre civile espagnole un très bon livre d’Histoire. On attend avec impatience la traduction de La Muerte de Guernica, album des mêmes auteurs paru en 2017.
La Guerre civile espagnole. Paul Preston (scénario). José Pablo Garcia (dessin). Belin. 240 pages. 24,90 €
Les 5 premières planches :
0 Comments Hide Comments
[…] Pour en savoir plus lire le billet publié le 21 mars 2018 par STÉPHANE DUBREIL sur le site de la revue Casesd’histoire […]