Cléopâtre, la reine fatale T5 : son triomphe avec Marc-Antoine brisé par la défaite d’Actium
La vipère a percé de ses crochets le sein de la dernière reine d’Égypte. Comme disaient les Romains : « acta est fabula » (« la fable est terminée »). Cléopâtre VII (69-30 av n.è.) s’est donné la mort sur le corps de Marc Antoine son amant, le 12 août de la dernière année de son règne. Octave, leur adversaire, triomphe complètement. Ce cinquième volume de la série Cléopâtre, la reine fatale, dans la collection Les reines de sang avec Thierry Gloris au scénario et Joël Mouclier au dessin, termine donc cette reconstitution de l’histoire de la femme la plus fameuse de l’Antiquité.
L’action démarre par un tableau de Marc-Antoine jouant le personnage de Dionysos dans une pièce de théâtre improvisée dans son palais d’Alexandrie, avec comme public sa famille alexandrine et ses amis romains. Le couple du triumvir et de la reine d’Égypte règne sur un empire plus vaste que celui des anciens pharaons. Par traîtrise, les deux amants s’emparent du royaume d’Arménie avec le roi duquel ils avaient un compte à régler. Ils organisent ensuite un triomphe dans les rues d’Alexandrie et donnent à leurs enfants les titres royaux et princiers en rapport avec leurs conquêtes (p.18).
À Rome, Octave, le neveu et héritier de César, ne cesse de travailler l’opinion populaire et surtout le Sénat pour les retourner contre son ancien collègue triumvir et sa « sorcière » (p19). Ses efforts sont couronnés de succès : Rome déclare la guerre à l’Egypte de Cléopâtre (p.21).
L’affrontement va avoir lieu sur mer près d’Actium en Épire dans le nord de la Grèce. Les auteurs détaillent cette bataille navale, qui voit in fine Cléopâtre fuir les combats, suivie de Marc-Antoine. La désunion s’installe alors dans le couple revenu à Alexandrie et petit à petit leur défaite se précise. Marc-Antoine demande à un de ses lieutenants de le tuer et Cléopâtre, après avoir vainement essayé de séduire Octave, met également fin à ses jours (p.52 et 56).
Revenons un petit peu sur cette fameuse bataille navale d’Actium, le 2 septembre 31 av n.è. La carte ci-dessous nous permet de nous rendre compte de ce qui se déroule stratégiquement dans cette lutte pour le pouvoir en Méditerranée. Antoine et les forces égyptiennes doivent accomplir un long trajet pour venir d’Égypte en évitant le port de Méthone qui est aux mains des forces d’Octave (p.27). Le but stratégique d’Antoine est, à partir de l’Épire au nord de la Grèce, de faire passer son armée en Italie du Sud pour envahir la péninsule (p.25). Octave doit l’en empêcher. Et c’est d’autant plus facile pour lui qu’il a un bien moins long trajet à effectuer pour faire passer son armée en Épire. Et le face-à-face a lieu à Actium, ou plus exactement au large de cette cité, l’affrontement se faisant flotte contre flotte.
Le scénario de la bataille est bien connu et a été maintes fois illustré tant au cinéma que dans les BD. La reconstitution cinématographique la plus célèbre est celle du film Cléopâtre de Joseph Mankiewicz, sorti en 1963 : la bataille occupe vingt minutes dans un film qui dure plus de quatre heures. Pour ce qui est de la BD, retenons l’album Actium dans la collection Les Grandes batailles navales sorti chez Glénat en 2020 avec Jean-Yves Delitte au scénario et Filippo Cenni au dessin : huit planches seulement (p.37 à 44) décrivent les péripéties de la bataille. Dans le volume 5 de Cléopâtre, la reine fatale, le combat d’Actium occupe sept planches (p.34 à 40).
Il est intéressant de comparer dans ces trois opus la façon dont est représentée la scène de la fuite de Cléopâtre hors de cette bataille, ce qui marque le tournant décisif de cet affrontement.
Mais l’histoire d’Actium ne s’arrête pas là. Octave, devenu l’empereur Auguste, fera construire face au promontoire, sur l’emplacement de son camp fortifié, une cité qui prendra le nom de Nicopolis (« la ville de la victoire ») pour perpétuer le souvenir de sa victoire navale de 30 avant n. è. Un certain nombre de monuments furent érigés dans cette ville nouvelle, tel ce sanctuaire avec un autel orné de magnifiques sculptures et les rostres des navires vaincus.
Par rapport à ce que nous connaissons à travers les auteurs antiques, le déroulé de cet album ne s’écarte pas de ce qu’il est communément admis comme étant l’histoire de Cléopâtre.
L’intérêt de cet opus est ailleurs. D’une part, il consiste dans le traitement de la psychologie des personnages en montrant comment les qualités ou les passions des uns et des autres les emportent malgré eux vers une issue inéluctable. D’autre part, il faut bien voir que la richesse et le foisonnement du graphisme rendent quasi baroque cette reconstitution d’une histoire hyper connue.
Cléopâtre, la reine fatale T5. Thierry Gloris (scénario). Joël Mouclier (dessin et couleurs). Delcourt. 56 pages. 15,50 euros.
Les dix premières planches :