Indochine, les faits d’arme d’Armand Baverel aux commandes d’un Sikorski S-55
Jean-Pierre Pécau, Maza et Jean-Paul Fernandez poursuivent leur exploration de la Guerre d’Indochine à travers le pilote Armand Baverel. Le tome 3 d’Indochine s’attarde sur un nouveau matériel qui pourrait bien changer quelques tactiques militaires, l’hélicoptère. Baverel délaisse en effet les avions de chasse pour prendre les commandes d’un Sikorski S-55. Pas encore vraiment intégré à la réflexion des militaires français, l’hélicoptère est pourtant très utile pour transporter des troupes de combat, secourir des pilotes et participer à des actions commando, plus ou moins officielles. La tête brûlée Baverel ne va pas manquer d’expérimenter toutes ces options.
Voici donc le troisième volet des aventures du pilote Baverel durant la Guerre d’Indochine. Pour ceux qui prendraient la série en route, Armand Baverel (1929-2015) est un personnage réel, mécanicien puis pilote de son état. Mais les aventures décrites ici sont fictives. Le contexte historique est en revanche parfaitement authentique, à quelques détails près. Le tome 3 se situe après les défaites de la Route Coloniale 4 (Cao Bang et Lang Son) en septembre-octobre 1950. Arrivé en Indochine en décembre 1950, le général de Lattre a redressé la situation et réussi à contenir les différents assauts du Viêt Minh dans le delta du Fleuve rouge, qui reste aux mains des Français. De Lattre quitte l’Indochine en novembre 1951 et décède en janvier 1952. Le conflit indochinois continue donc sous sa forme larvée. Mais durant la période de deux ans qui va jusqu’à la bataille de Dien Bien Phu (novembre 1953-mai 1954), il n’y a aucun événement militaire décisif. Un peu comme dans le tome 1, notre héros profite de cette absence de grands combats pour mener à bien ses petites aventures personnelles.
Après avoir suivi un stage d’entraînement au pilotage d’hélicoptère à Djibouti, Baverel revient à Saïgon où l’atmosphère a bien changé depuis son premier séjour. Affecté au pilotage d’un hélicoptère S 55, il va modifier cet appareil de transport pour en faire une plate-forme de tir par l’adjonction d’une mitrailleuse lourde Browning M2 de 12.7mm dans la soute. Il l’a baptisée : « éléphant joyeux ». Cette configuration lui permet d’utiliser son appareil à différentes missions offensives pas toujours très officielles.
D’abord, il va aider des pirates à se débarrasser de leurs concurrents. Le « Binh Xuyên » (le gang des rivières) est un groupe plus ou moins mafieux, qui se livre à différents trafics et autres activités illégales, tout en étant favorables aux Français. Ils sont établis dans le delta du Mékong à quelques dizaines de kilomètres au sud-ouest de Saïgon. Après le départ des Français, ils sont éliminés en 1955 par le nouveau régime sud-vietnamien de Ngo Dinh Diem.
Puis avec un hélicoptère léger, Armand Baverel ira récupérer un pilote tombé en territoire hostile : « la plaine des joncs » dans le delta du Mékong en Cochinchine.
Enfin, il sert d’appui feu à une opération de commando dans le Haut Tonkin à la lisière de la Chine en détruisant des chars T-34 sans doute livrés au Viêt Minh par les Chinois. Ces blindés ont été la meilleure arme soviétique durant la Seconde Guerre mondiale. L’action se déroule sur le pont de Lao Kay, là où le Fleuve rouge sort de Chine et pénètre au Vietnam.
Une nouveauté dans ce tome 3, l’adjonction en bas des pages 46 et 56 d’une petite notice « rendons à César », qui rétablit la vérité historique sur des points bien précis. Dommage que cette clairvoyance ne soit pas identique en ce qui concerne les dires d’un agent de la CIA, pages 36-37. Il y a là de grosses erreurs de datation. C’est en aout 1945 que les Japonais ont quitté le Viet Nam. Les Français sont revenus à Saïgon dès 1945 avec la deuxième DB du général Leclerc. Au Nord Vietnam, ce sont les Chinois nationalistes de Tchang Kai-Tchek, qui occupent alors le Tonkin, que les Français reprennent en 1946. Et la suite du récit de cet américain est tout aussi inexacte. Les tentatives de capture d’Ho Chi Minh dans les Hauts Plateaux du Tonkin ont bien lieu, mais durant la fin de l’année 1947 et non en 1949 comme le raconte ce personnage. Pour plus de précisions, voir l’article de Jacques Valette, Les opérations de l’automne 1947 dans le haut Tonkin : les incertitudes d’une stratégie (Guerres mondiales et conflits contemporains, 2010/4, n°240, p.79).
On a toujours autant de plaisir à suivre les aventures de Baverel, même si elles prennent quelques libertés avec la grande Histoire, comme le héros avec sa hiérarchie. Que nous réserve le tome 4 ? Retour à l’événementiel comme dans le tome 2 ? Ou continuation des tribulations individuelles parfois scabreuses de cet aviateur hors du commun ?
Indochine T3 La Ville du ciel. Jean-Pierre Pécau (scénario). Maza (desin). Jean-Paul Fernandez (couleurs). Manchu (couverture). Delcourt. 56 pages. 14,95 euros
Les 7 premières planches :