Inferno T2, Coastal Command : 1944, protéger les côtes britanniques contre la Kriegsmarine
Après le bombardement de Hambourg en 1943, l’équipage d’Inferno reprend du service pour intégrer le Coastal Command, le commandement chargé de protéger les côtes britanniques. Antoine Crespin, cette fois seul aux manettes, se sépare de trois personnages et change d’avion avec un Bristol Beaufighter, suivi d’un de Havilland Mosquito, deux fleurons de l’industrie militaire du Royaume-Uni. Direction la Mer du Nord, pour se mesurer à la Kriegsmarine et à la Luftwaffe.
Il est nécessaire de faire un peu de stratégie, pour comprendre où en est la guerre à l’Ouest en septembre 1943, date à la quelle démarre l’action de ce tome 2. Les Alliés préparent un débarquement. « En tous cas, c’est imminent, à en croire le nombre d’Américains qu’on croise partout », souligne un des pilotes (p3). Depuis l’été 1940, la situation stratégique à l’Ouest n’a pas fondamentalement changé : seule la Grande-Bretagne, massivement soutenue par les Etats-Unis, fait face à la puissance du IIIe Reich, qui tient les façades maritimes depuis le Cap Nord jusqu’aux Pyrénées. En particulier, l’occupation de la Norvège est vitale pour l’Allemagne : bases maritimes et aériennes face à la côte anglaise, transit du fer venant de Suède, fabrication de l’eau lourde pour la bombe atomique, etc…
La responsabilité de la défense britannique dans ce secteur incombe bien sûr à la Royal Navy, mais aussi dans le domaine aérien au Coastal Command. Créée en 1936, cette composante de la Royal Air Force a pour mission de protéger et de contrôler les côtes et accès maritimes de la Grande-Bretagne. Bien que parent pauvre du Fighter Command (chasse) et du Bomber Command (bombardement), le Coastal Command voit son rôle stratégique devenir fondamental lors de la première phase de la Bataille d’Angleterre. Mais c’est surtout pour la lutte contre les sous-marins allemands lors de la bataille de l’Atlantique (212 U-boote détruits) que son rôle est décisif. Il dispose pour cela de dix escadrilles en Grande-Bretagne dotées d’appareils d’attaque ou d’hydravions de secours en mer et d’appareils de reconnaissance ou d’informations météo. Plus ponctuellement le Coastal Command assure des missions de surveillance et d’attaque des convois ou des navires de guerre allemands basés en Norvège comme le Bismarck ou le Prinz Eugen.
C’est ce genre de mission que s’apprêtent à effectuer les quatre aviateurs d’Inferno en se rendant en train vers l’Écosse dans un centre d’entraînement. À peine arrivés, ils font connaissance (p.5) avec leur future monture : le Bristol Beaufighter, chasseur lourd à long rayon d’action et appareil d’intervention maritime.
Après une longue prise en main, nos héros remplissent leur première mission à savoir l’attaque d’un convoi maritime allemand, où ils se heurtent pour la première fois à la redoutable Flak (Flugzeug Abwher Kanone, « DCA ») allemande (p.10).
La séquence suivante comporte aussi un autre changement par rapport au tome 1, à savoir l’apparition de personnages féminins, les WAAF (Women’s Auxiliary Air Force), ces auxiliaires de la RAF avec qui les aviateurs nouent des relations, généralement au mess (p.14), lieu de rencontres privilégié.
Mais l’heure de la seconde mission a sonné : encore une intervention sur un convoi allemand plus important et donc mieux protégé, en particulier par des chasseurs Focke Wulfe (p.24).
La mission suivante verra l’appareil de nos héros être forcé d’amerrir (p.31), mais ses occupants, bien que blessés, sont récupérés par une vedette rapide (p.33).
Après leur convalescence, nos aviateurs sont dotés d’un nouvel appareil, le célèbre de Havilland Mosquito ou Mossie, chasseur lourd de supériorité qui remplace le Beaufighter pour les missions de notre équipe du Coastal Command. Ce bimoteur est, parmi les avions anglais de la Seconde Guerre mondiale, presque aussi célèbre que le Spitfire. Ceci tient notamment à deux choses. Une bonne partie de l’avion est en contreplaqué, ce qui lui donne une légèreté et donc une vitesse appréciable ainsi qu’une signature radar moindre que les avions tout métal (on a pu dire qu’il fut le premier avion furtif). Et puis le pilote et le deuxième membre d’équipage sont assis côte à côte, ce dernier légèrement en retrait, ce qui améliore grandement la communication entre les deux aviateurs.
Ce n’est pas la première fois que le Mosquito apparaît dans la bande dessinée. C’est sur ce type d’appareil que vole Biggles à la fin de la guerre, avant de commencer sa carrière de « détective de l’air » pour Scotland Yard dans Biggles, détective de l’Air, Le cygne jaune, sorti en 1996 chez Miklo (p.3). Et deux membres de son équipe continuent à voler sur cet appareil tout au long de cette aventure.
Auparavant, dans Coke en stock d’Hergé sorti chez Casterman en 1958, ce sont des photos de Mosquitos qui mettent Tintin sur la piste des trafiquants (p.3) et plus loin, ce sont des Mosquitos qui mitraillent son embarcation en Mer rouge (p.33).
Pour en revenir à Inferno T2 Coastal Command, il faut reconnaître qu’Antoine Crespin a fait l’effort de s’ouvrir à la vie sentimentale de ses héros. Mais force est de constater que, comme dans le tome 1, il n’est pas toujours aisé de reconnaître les différents protagonistes tant masculins que féminins. Il faut admirer néanmoins le graphisme réaliste de cet auteur, ainsi que son excellente connaissance des matériels volants et des actions de guerre de la Seconde Guerre mondiale.
Inferno T2 Coastal Command. Antoine Crespin (scénario, dessin et couleurs). Paquet. 48 pages. 14,50 euros.