Le Goût de la papaye, odyssée d’un Thaïlandais dans l’Europe hitlérienne
On s’en souvient peu, mais la Thaïlande (ex-Siam) a participé à la Seconde Guerre mondiale aux côtés du Japon. Depuis les années 1930, le pays était en contact étroit avec les puissances de l’Axe. Et c’est dans le cadre d’un partenariat avec l’Allemagne que Sompong Kunchai, jeune cadet thaïlandais, s’embarque pour l’Europe à l’été 1940. Le Goût de la papaye, d’Elisa Macellari, raconte son étrange périple.
La Seconde Guerre mondiale est un sujet de prédilection pour la bande dessinée historique. Le nombre de chroniques publiées par Cases d’Histoire sur cette époque en constitue un témoignage éloquent. On pourrait se dire, qu’à force, le tour de la question a été fait. Mais régulièrement, un album abordant un détail de ce conflit apparaît dans les rayons des libraires. Le Goût de la papaye est l’un d’eux… Ce copieux roman graphique raconte l’odyssée de Sompong Kunchai, un cadet thaïlandais qui s’est embarqué pour l’Italie à l’été 1940. Passionné par les langues étrangères, le jeune homme avait, quelques années plus tôt, pris la décision de s’engager dans l’armée, avec l’espoir de décrocher, un jour, un poste d’attaché militaire ou de traducteur qui lui donnerait l’occasion de voir du pays.
Les choses s’accélèrent brusquement au printemps 1939, lorsque Sompong obtient une bourse pour aller poursuivre ses études à l’académie militaire de Berlin. L’occasion est trop belle, et le jeune homme ne se fait pas prier. Il se met à l’allemand et fait des progrès fulgurant. Mais le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale (avec l’attaque de la Pologne) remet tout en question. « Il semblerait bien qu’un certain Adolf Hitler était en train de bouleverser mes projets », écrit à l’époque Sompong dans son journal. Pour les bouleverser, il va les bouleverser. Finalement, le cadet thaïlandais ne va pas partir pour l’Allemagne, mais pour l’Italie. Après un long voyage, il arrive à Rome, où il a juste le temps de prendre ses marques avant que Mussolini ne déclare la guerre à la France et à la Grande-Bretagne ! Ordre lui est alors donné de regagner son ambassade à Berlin.
Au final, Sompong Kunchai n’étudiera jamais ni à l’académie militaire de Berlin, ni à celle de Rome. Abandonné à lui-même, sans ordre de sa hiérarchie, et dans l’impossibilité de rentrer en Thaïlande, il va errer durant cinq ans dans une Europe en guerre, multipliant les rencontres et les expériences. Il faut dire que l’ancien Siam, allié de circonstance de l’Empire du Japon, est par la suite pratiquement contraint et forcé d’entrer au guerre contre les États-Unis et la Grande-Bretagne, le 25 janvier 1942. Le gouvernement autoritaire de Plaek Pibulsonggram, plus connu sous le nom de Phibun, a alors fort à faire pour défendre son territoire national. Il ne se préoccupe pas vraiment de ses rares ressortissants en Europe. Le point de vue proposé par Le Goût de la papaye est donc tout à fait original. Son auteure, Elisa Marcellari, est une illustratrice italo-thaïlandaise originaire de Pérouse, mais installée à Milan. Sompong est son grand-oncle, qui lui a lui-même raconté ses mémoires de guerre, et surtout d’ennui.
Diplômée de l’académie des Beaux-Arts de Pérouse, Elisa Marcellari a travaillé comme assistante et designer graphique, avant de se lancer comme illustratrice indépendante. Elle a réalisé plusieurs livres jeunesse, et publié des récits courts en bande dessinée dans le Corriere della serra ou encore Linus. Le Goût de la papaye (Papaya salad en VO italienne, publiée chez Bao) est son premier album. Et il a donc forcément ce goût particulier – sans jeu de mots – de la chronique familiale, un sous-genre qui rend tout plus vrai, plus fort. Pour autant, cette odyssée d’un Thaïlandais dans une Europe en guerre se révèle à la longue assez plate. Il ne se passe pas grand chose dans la vie de Sompong, si ce n’est quelques voyages, qui résonnent comme autant d’impasses. Elisa Marcellari se contente alors de raconter ce destin certes un peu baroque, mais qui aurait gagné en souffle à réduire drastiquement sa pagination.
Le Goût de la papaye. Elisa Macellari (scénario & dessin). Steinkis. 232 pages. 22 €.
Les 5 premières planches :
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