Rei Sen Pacifique, dans la peau d’un pilote de Zéro pendant la guerre du Pacifique
Décidément, ce printemps de la BD 2024 fait la part belle à l’aviation japonaise pendant la guerre du Pacifique. Après la sortie du deuxième volume de la collection « Ailes de légende » intitulé Mitsubishi Zéro de Jean-Pierre Pécau et Christophe Gibelin (Delcourt), paraît le tome premier d’un récit annoncé en trois parties, Rei sen Pacifique d’Olivier Speltens (Paquet). Petite précision : Rei sen est l’abréviation de « Rei shiki kanjo sentoki » désignation japonaise complète du Zéro. Si la première parution appartient plutôt au volet connaissance technique de l’aviation, la seconde retrace le parcours d’un jeune pilote nippon engagé dans la guerre du Pacifique au début du conflit, et volant uniquement sur ce type de chasseur.
Le jeune Daisuké Tanaka, devenu presque par hasard pilote de l’aéronavale japonaise arrive en avril 1942 sur la base avancée de Laé dans l’est de la Nouvelle-Guinée. Il y retrouve Kenji, autre pilote originaire du même village que lui, qui lui présente ses compagnons d’armes. Ces pilotes sont chargés d’attaquer Port Moresby, base australienne dans le sud de la Nouvelle-Guinée encore aux mains des alliés. Bientôt, Daisuké effectue sa première mission de combat, tout se passe bien et le jeune pilote est félicité au retour par son chef de patrouille.
Puis les différentes missions de combat s’enchaînent, tandis que leurs adversaires américains montent en puissance. À la fin de l’album, le 8 août 1942, le jeune pilote dont c’est le lendemain l’anniversaire de ses 23 ans, est envoyé en mission vers l’île de Guadalcanal, où les Américains viennent de débarquer en force (p.49 et 50).
Souvenons-nous que d’août 1942 à février 1943, Guadalcanal est la première et l’une des plus importantes batailles terrestres, aériennes et navales de la guerre du Pacifique. Première offensive d’importance des Alliés contre l’empire du Japon, elle est acharnée et occasionne dans les deux camps des pertes très sévères. Elle se termine par une victoire stratégique des Alliés, qui obligent les forces japonaises survivantes à se réembarquer.
Mais dans ce premier album, nous n’en sommes pas encore là. Daisuké et ses compagnons d’armes ont encore un moral très élevé, tel qu’il était après la réussite de l’attaque sur Pearl Harbor et l’occupation des autres possessions occidentales dans le Pacifique.
Ajoutons pour la petite histoire qu’en juillet 1937, l’aérodrome de Laé fit la une de la presse mondiale après que l’aviatrice américaine Amelia Earhart y ait été vue pour la dernière fois alors qu’elle s’envolait pour les États-Unis. Elle ne fut jamais retrouvée.
L’intérêt de cet opus est qu’il nous montre la vie quotidienne d’une base aérienne japonaise de chasse et la mentalité guerrière des combattants nippons, pour qui par exemple il n’y a pas de prisonniers de guerre, d’où l’exécution sommaire d’un aviateur américain capturé (p.46-47).
Le personnage de Daisuké Tanaka fait également l’objet d’un traitement approfondi. Dès la page 5, ses réflexions nous accompagnent en voix off et même ses cauchemars prémonitoires sont décrits (p.38).
A noter que le cahier graphique en fin d’album présente deux chasseurs américains qu’on peut retrouver en BD grâce à Yann et Hugault : le Bell P-39 aircobra sous les couleurs soviétiques page 45 de Camarade Lya, le tome 2 de la série Le grand Duc ; et le Curtis P-40 Warhawk à la page 17 de Burma Banshees, le tome 1 de la série Angel wings.
Ainsi que nous l’avons vu, ce récit linéaire du tracé de vie d’un jeune pilote de l’aéronavale japonaise nous le montre prenant part à la guerre du Pacifique juste au moment où en avril 1942, les idées de victoire animent encore les forces japonaises. Et puis au fil du récit, on se rend compte que cet optimisme de plus en plus illusoire est alimenté par la propagande gouvernementale nippone en ce qui concerne la défaite de Midway (4-7 juin 1942), par exemple page 31.
On ne donc peut qu’attendre avec impatience la suite des aventures de Daisuké Tanaka et ses camarades de l’aéronavale japonaise, annoncée en trois parties. Ce doublé de qualité de Mitsubishi Zéro et Rai sen Pacifique met un nouveau coup de projecteur BD sur ce pan de l’histoire de la Seconde guerre mondiale, qui dès la fin des années 1940, a attiré les bédéistes américains autant que franco-belges et plus tard japonais.
Rei Sen Pacifique. Olivier Speltens (scénario, dessin et couleurs). Paquet. 48 pages. 14,50 euros.
Les cinq premières planches :