Henriquet – L’homme-reine, Prix Cases d’Histoire 2017
Dans la veine de Charly 9, paru en 2013, Richard Guérineau poursuit son exploration de la France de la fin du XVIe siècle. Dans Henriquet – L’homme-reine, il dresse le truculent portrait d’Henri III, un roi oublié et mal-aimé, peut-être trop en avance sur son temps. Une œuvre majeure, qui a fait l’unanimité au sein de la rédaction de Cases d’Histoire.
Biberonné à Bibi Fricotin, Bill Tornade ou encore Blek le Roc, Richard Guérineau se lance dans la bande dessinée après des études d’arts plastiques. En 1991, à 22 ans, il fait la rencontre d’Éric Corbeyran, qui devient le scénariste de ses premiers albums. Le duo publie dans un premier temps L’As de pique [Dargaud], avant d’inaugurer un thriller d’un genre nouveau, aux frontières du réel. C’est avec Le Chant des stryges [17 tomes parus depuis 1997 chez Delcourt] que le dessinateur bordelais se fait un nom dans le milieu de la BD. Par la suite, Guérineau et Corbeyran poursuivent leur collaboration chez le même éditeur, notamment au sein des collectifs Paroles de taulards ou encore Paroles de parloirs. Ils lancent également la série Le Syndrome de Hyde.
Richard Guérineau prend un premier virage dans sa carrière en s’associant avec un coscénariste : Henri Meunier. Le dessinateur souhaite de plus en plus s’impliquer dans les les scenarii qu’il met en images. Cela débouche sur Après la nuit, un western remarqué à sa sortie, ainsi que sur le second tome de la série-concept Le Casse. Dans ce volume, longuement intitulé Le Troisième jour – Jérusalem, 6 avril de l’an 30…, le duo met en scène la « disparition » du corps de Jésus de Nazareth, orchestrée par Marie-Madeleine et Jacques le Juste. Richard Guérineau participe ensuite à la série dérivée XIII Mystery [Dargaud] ; difficile de refuser une association avec Fabien Nury pour narrer le parcours de Steve Rowland…
Force est de constater que la bande dessinée historique ne semble alors pas vraiment passionner Richard Guérineau. Pourtant, tel un amour platonique qui soudain se révèle au grand jour, le déclic vient avec l’adaptation de Charly 9, un roman signé Jean Teulé. Le même Jean Teulé dont l’adaptation de Je, François Villon (par Luigi Critone) a remporté, l’année dernière, le 2eme Prix Cases d’Histoire. Charly 9 donc, ou le parcours d’un des pires rois de France, le tristement célèbre Charles IX. Ordonnateur du massacre de la Saint-Barthélémy, le 24 août 1572, il sombre dans la folie et décède deux ans plus tard, alors qu’il n’a que 23 ans.
La Saint-Barthélémy, il en bien sûr question dans Henriquet – L’homme-reine, puisque cet album narre les années de règne d’Henri III (1574-1589), qui a succédé à son frère Charles IX sur le trône de France. Le royaume est alors toujours sous le choc des tueries de masse, la colère gronde. Aujourd’hui plus connu pour ses mœurs et ses frasques, Henri III parvient pourtant à rester ferme avec les huguenots, à mater la rébellion menée par son frère cadet, à redresser l’économie du pays, et à résister à la tentation d’étriper sa mère, l’increvable Catherine de Médicis. Tout au long des 200 pages de cet album brillant, Richard Guérineau explore une période oubliée, mal perçue car trop complexe, avec une justesse historique remarquable. Il se permet également le luxe d’utiliser une langue constellée de termes issus du vieux français, et d’accompagner le tout d’un second degré aussi osé que percutant. Du grand art.
Pour en savoir plus :
La chronique de Cases d’Histoire de Henriquet – L’homme reine.
Un entretien avec Richard Guérineau sur la réalisation de cet album.
Les deux autres finalistes du Prix Cases d’Histoire 2017 :
Opération Copperhead, de Jean Harambat (Dargaud) : la chronique ici.
La Saga de Grimr, de Jérémie Moreau (Delcourt) : la chronique ici.
Les précédents lauréats du Prix Cases d’Histoire :
2016
Je, François Villon T3, de Luigi Critone (Delcourt) : la chronique ici.
2015
La Vierge et la Putain, de Nicolas Juncker (Glénat – 13 Etrange) : la chronique ici.