Le Festival BD à Bastia, friand d’Histoire
Intitulé “Rencontres de la bande dessinée et de l’illustration”, le Festival BD à Bastia trace sa route sur l’île de beauté depuis 1994. Pour sa 26e édition (du 4 au 7 avril 2019), le thème retenu est l’île, une évidence tant le sentiment d’insularité imprègne la culture corse. Cerise sur le gâteau, la bande dessinée historique est largement conviée à cette célébration insulaire. Tour d’horizon.
BD à Bastia est un événement à part dans le paysage des festivals de bande dessinée. Presque exclusivement centré sur les expositions (nombreuses), il ne propose pas les traditionnelles séances de dédicaces. Les rencontres avec les auteurs se font de manière beaucoup plus informelles, souvent aux terrasses des cafés (car contrairement au dernier week-end de janvier angoumoisin, il fait très bon en Corse en avril), où discussions et dédicaces improvisées fleurissent. A cela s’ajoutent 13 rencontres avec les auteurs et autrices exposé-e-s, des ateliers de pratique et de découverte artistiques, la projection du film Les Garçons sauvages, de Bertrand Mandico (2017) et la lecture musicale dessinée du Tracas de Blaise au théâtre municipal de Bastia (lecture par Raphaële Frier, dessins de Julien Martinière et musique par le duo Aimée-les-pierres – Richard et Marilou Gérard).
Côté expositions, la part faite à la bande dessinée historique est copieuse. Si “Fresques intimes & sublimes épopées”, la rétrospective consacrée à Cyril Pedrosa – l’auteur de l’affiche de l’édition 2019, porte sur ses trois derniers ouvrages (Portugal, Les Equinoxes et L’Âge d’or), l’exposition s’attarde plus particulièrement sur L’Âge d’or, superbe fantaisie médiévale qui fait écho à des problématiques sociales contemporaines.
Swan, de Néjib, faisait partie des trois finalistes du Prix Cases d’Histoire 2018. “Le trait à l’épreuve du récit” présente des planches de cet album, ancré dans le Paris des débuts de l’impressionnisme, mais aussi de Stupor Mundi (dont nous avions commenté quelques cases ici) son précédent – et tout aussi réussi – ouvrage. Storyboards et affiches pour le théâtre de la tempête complèteront l’accrochage. En bonus, quelques planches du deuxième tome de Swan seront dévoilées.
La Guerre des autres, de Bernard Boulad, Paul Bona et Gaël Henry (que nous avions chroniqué ici) dresse la chronique d’une famille de l’intelligentsia libanaise juste avant le déclenchement de la guerre civile en 1975. L’album fera l’objet d’un accrochage de reproductions puisqu’il a été entièrement réalisé de manière numérique.
Prendre refuge, de Mathias Énard et Zeina Abirached, entremêle deux récits amoureux à 80 ans de distance, dans l’Afghanistan de 1939 et le Berlin actuel. La réalisation, là aussi entièrement numérique, impose de réinventer l’exposition. Pour cet album, le choix a été fait de projeter les planches et de créer une animation à partir des dessins.
L’exposition “Archipel” creuse le thème de l’île dans le 9e art en invoquant un certain nombre de bandes dessinées historiques. Insulaires, petites histoires de Groix, de Prospéri Buri, qui passe en revue les événements passés et actuels qui ont modelé l’île bretonne de Groix (que nous avions chroniqué ici). Jeronimus, de Christophe Dabitch & Jean-Denis Pendanx, suit le voyage réel de l’apothicaire néerlandais Jeronimus Cornelisz en 1628 vers les Indes orientales et la terrible mutinerie qui s’en suivit sur le Batavia. Chroniques du Léopard, d’Appollo et Tehem, décrit l’engagement dans la Résistance de lycéens réunionnais.
A signaler enfin le Prix du livre des lycéens, dont la sélection des trois finalistes contient Spirou, L’espoir malgré tout, d’Émile Bravo (évocation de la jeunesse du petit groom dans la Belgique occupée par l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale), Claudine à l’école, de Lucie Durbiano (adaptation du roman de Colette et donc plongée dans la France de la Belle époque), et Les Oubliés de Prémontré, de Stéphane Piatzszek et Jean-Denis Pendanx (la résistance des pensionnaires de l’asile de Prémontréface à l’armée prussienne en 1914).
Les amateurs de bande dessinée historique seront donc amplement servis avec une programmation variée et toujours soucieuse de la qualité graphique des œuvres présentées. Un voyage en Corse ne se refuse pas. Encore moins si la bande dessinée est de la partie.