Trous de mémoires, mémoire impossible de la sale guerre

La quasi-totalité des albums consacrés à la Guerre d’Algérie raconte la Guerre d’Algérie. Ils font le récit des évènements, s’attachent à décrire les communautés et leur ressenti. Avec Un général, des généraux et maintenant avec Trous de mémoires, Nicolas Juncker montre, avec brio, que l’on peut évoquer ce drame en y instillant de l’humour et de l’autodérision sans sacrifier l’intelligence et la rigueur historique.
Nicolas Juncker a commencé avec Un général, des généraux à prendre à rebours le ton habituel employé pour parler de la Guerre d’Algérie. Dans cet album, les généraux comme les hommes politiques impliqués dans les évènements du 13 mai 1958 gesticulent au centre d’un maelström qui les dépasse. Ils courent, s’agitent, acteurs, comme l’écrit Capitaine Kosack, sur la scène d‘un opéra-bouffe délirant. Sans en avoir l’air, Juncker renouvelle l’angle d’attaque de l’évènement. Tout y est. Les tractations gaullistes, les manœuvres des uns, les fourberies des autres mais le ton donne le sentiment de n’avoir jamais vu ces évènements de cette manière. Il démontre – le dessin de Boucq y étant pour beaucoup – que l’humour a toute sa place quand on évoque cette salle guerre. Il réitère l’exercice avec Trous de mémoires.
Si l’on considère les rapatriés, les Harkis, les militaires professionnels, les appelés et tous les descendants, plusieurs millions de Français portent en eux cette mémoire d’une manière ou d’une autre. Chaque groupe porte sa propre mémoire qui entre en conflit par manque de dialogue éclairé et par incompréhension. Partant d’un réel projet avorté de musée sur la guerre d’Algérie, Nicolas Juncker met en scène différents intervenants habituels pour bâtir ce genre d’établissement : le maire, qui espère qu’un musée sur cette guerre va attirer la lumière sur lui et sa commune, une historienne chargée du cahier des charges scientifique et un scénographe. Le projet devient très complexe quand il s’agit de rassembler objets et documents issus des différentes communautés mémorielles. Ce qui au départ ne semblait être qu’un grand trou de mémoire se révèle finalement un trop plein de mémoires que le temps, espérons-le, saura apaiser.
Entretien avec Nicolas Juncker sur Trous de mémoire
Trous de mémoires. Nicolas Juncker (scénario et dessin). Juliette Laude (couleurs). Tramor Quemeneur (Dossier historique). Le Lombard. 156 pages. 22,95 euros.
Les dix premières planches de Trous de mémoires
La guerre d’Algérie dans Cases d’Histoire








