Warbirds T3 B-25 Mitchell – Tonnerre sur Tokyo, au cœur du raid Doolittle, prouesse américaine d’avril 1942
Le troisième volume de Warbirds, série consacrée aux avions militaires de légende des années 1935-1952, se penche sur le B-25 américain, dont le fait d’armes le plus connu pendant la Seconde Guerre mondiale est le raid de Doolittle du 18 avril 1942. Avec B-25 Mitchell – Tonnerre sur Tokyo, Richard D. Nolane, Vladimir Aleksic et Vladimir Davidenko reviennent sur cette épopée aérienne qui aboutit au premier bombardement de Tokyo, cinq mois après Pearl Harbor. Le premier accroc dans l’avancée irrésistible des Japonais dans le Pacifique.
Ce troisième album de la série Warbirds illustre donc la fameuse épopée du raid de Doolittle du 18 avril 1942, déjà souvent montrée au cinéma. C’est la première utilisation au combat d’un bombardier bimoteur tout juste mis en service : le B-25 Michell de la firme North American. Cet appareil robuste, rapide et maniable reste avant tout attaché à cette opération, destinée à être une réplique à l’attaque de Pearl Harbor, effectuée par les Japonais cinq mois plus tôt. Pour donner un aspect un peu plus humain à ce récit, les auteurs ont créé le personnage fictif du capitaine Robbins, qui de Pearl Harbor au raid de Doolittle, symbolise à lui seul tous les pilotes de B-25 de cette opération.
Après une brève évocation de l’attaque de Pearl Harbor du 7 décembre 1941, côté japonais puis côté américain, l’album passe au 21 décembre de la même année, dans le bureau ovale de la Maison Blanche, où le président Roosevelt ordonne aux responsables civils et militaires : « Je veux des bombes sur Tokyo au plus tard au printemps. »
À partir de cette décision politique, l’US Navy va élaborer un plan d’opération utilisant pour ce raid un bombardier moyen décollant d’un porte-avion et se posant sur terre. Ce schéma mis au point, il reste à trouver l’avion pour l’exécuter et l’homme pour diriger l’opération. Le choix de l’appareil se fait en faveur du North-American B-25 et celui de l’homme sur le lieutenant-colonel Doolittle de l’US Army Air Force. Le reste de l’album décrit les différentes phases de la préparation du raid jusqu’à son déclenchement le 13 avril 1942. Puis on suit la progression de la force aéronavale et à partir de la page 38, le décollage des bombardiers et le déroulement du raid, qui surprend complètement les Japonais.
Comme pour les autres albums de la série Warbirds, celui-ci se termine par une double page documentaire. Mais certains points sont encore à éclaircir pour bien comprendre pourquoi les forces américaines ont du mettre en place cette solution opérationnelle inhabituelle, où les B-25 décollent d’un porte-avions, sans pouvoir y revenir.
La carte ci-dessous montre quelle est l’emprise territoriale du Japon au printemps 1942. À l’Ouest, il occupe la Corée et, de façon discontinue, une partie de la Chine. Au Sud-Ouest, il contrôle sans occupation l’Indochine française et avec occupation la Birmanie et la Malaisie, ainsi qu’au Sud l’Indonésie et les Philippines et le nord de la Nouvelle Guinée, d’où il menace l’Australie. À l’Est, il peut atteindre les Iles Aléoutiennes (Alaska américain) et surtout Midway (9 950 km de Tokyo) et Pearl Harbor. Pour les Américains, le schéma opérationnel du raid Doolittle était le seul possible, vues les capacités de leurs avions à cette période (pas de bombardiers à long rayon d’action et pas de bases assez proches du Japon). L’URSS de Staline, bien qu’en guerre depuis le 22 juin 1941 avec l’Allemagne hitlérienne alliée du Japon, ne l’était pas avec l’empire nippon, d’où l’impossibilité d’utiliser les bases soviétiques de Sibérie orientale. C’est pourquoi a été choisie comme point de chute terrestre des B-25, la partie de la Chine orientale tenue par les forces nationalistes chinoises de Tchang kaï-chek (en blanc sur la carte). Mais du fait de la désorganisation de celles-ci et de la malchance, la plupart des seize bombardiers seront perdus, crashés sur terre ou en mer.
Le raid de Doolittle, bien qu’insignifiant du point de vue militaire (Doolittle lui-même le considérait comme une « demi-réussite »), montre que le Japon n’est pas hors de porté des représailles américaines. Jusqu’alors, le haut commandement japonais hésitait entre attaquer l’Australie au sud ou en direction de Hawaï vers l’Est. Le raid convainc les stratèges japonais d’adopter la seconde solution. Qui entraîne pour eux la défaite de Midway du 5 au 7 juin 1942.
Il apparaît nécessaire d’expliquer pourquoi sur la dernière planche de l’album « l’équipage du B-25 du capitaine Edward York […] entamait treize mois d’internement ». Comme nous l’avons vu plus haut, l’URSS
en 1942 n’est pas en guerre avec le Japon. Et donc, théoriquement les belligérants japonais comme américains parvenus sur le sol russe doivent être internés. Mais comme les Etats-Unis fournissent des armes et du ravitaillement aux soviétiques, l’équipage est très bien traité, puis « évadé » par les services secrets soviétiques en Iran, d’où ils sont rapatriés aux Etats-Unis en mai 1943.
Parlons maintenant un peu de la biographie du chef du raid, le lieutenant colonel James H. Doolittle (1896-1993), né à Alameda en Californie. Ingénieur en aéronautique, il sert dans l’aviation durant la Première Guerre mondiale. Redevenu civil, il met au point un certain nombre d’instruments de navigation aérienne. Il est le premier pilote à décoller aux instruments sans visibilité. Ayant repris du service actif en 1940, il est promu lieutenant-colonel le 2 janvier 1942. Sur la photo ci-dessous, prise immédiatement avant le raid, il attache aux bombes pour Tokyo des médailles offertes par les Japonais au président américain avant Pearl Harbor (renvoi à l’envoyeur). Sur son épaule gauche, on distingue son insigne de lieutenant-colonel : une feuille de chêne argentée.
Après le raid, en juillet 1942, il est promu directement brigadier général (général une étoile), sans passer par le grade de colonel. Entre le 6 janvier 1944 et le 10 mai 1945, il commande comme lieutenant général (général trois étoiles) la 8th USAAF, force aérienne américaine stationnée en Angleterre, qui couvrira le débarquement et la fin de la guerre en Europe.
Sur la photo de droite ci-dessous, on le voit dans l’uniforme de cette fonction avec trois étoiles sur sa patte d’épaule gauche et l’insigne de la 8th USAAF sur le haut de sa manche gauche. Les trois étoiles que l’on voit page 43 sur son calot lors du raid, sont donc une erreur chronologique.
Un autre officier général de l’aviation américaine est cité page 12 comme ayant donné son nom au B-25. La note de bas de page précise : « Le général Billy Mitchell (1879-1936), précurseur de l’aéronavale et qui avait prévu avec 15 ans d’avance l’attaque sur Pearl Harbor ». Né en France à Nice, William Mitchell s’engage dans l’armée à 18 ans lors de la Guerre entre les Etats-Unis et l’Espagne (1898). Dès 1906, il affirme que les conflits du futur se gagneront dans les airs. En 1917, il est lieutenant-colonel et dès l’entrée en guerre des Etats-Unis, il part en France où il se familiarise avec la guerre aérienne et devient un des responsables des opérations aériennes américaines. Muté à Hawaï et en Asie, il rédige en 1924 le fameux rapport de 324 pages qui prédit la guerre avec le Japon et l’attaque de Pearl Harbor. Il a des relations exécrables avec sa hiérarchie, dont il dénonce l’incompétence. C’est pourquoi en 1925, il passe en cour martiale pour insubordination. Il démissionne en février 1926 et meurt de la grippe en 1936.
La fiche wikipedia du B-25 Mitchell qualifie cet avion de « star de cinéma » et affirme : « Aucun autre avion que le B-25 Mitchell n’a eu une aussi intense carrière dans l’industrie du cinéma » *. Les blockbusters Pearl Harbor de Michael Bay (2001) et Midway de Roland Emmerich (2019), montrent les héros et le déroulement du raid Doolittle. Alec Baldwin (Pearl Harbor) campe un James Doolittle bien plus convaincant qu’Aaron Eckhart dans Midway.
Dans le domaine de la bande dessinée, Objectif Broadway, le tome 3 de la série Angel Wings réalisée par Yann et Romain Hugault, sorti en 2016 chez Paquet, met en scène à deux reprises des B-25 en Birmanie. À la page 18, les deux héroïnes découvrent dans la jungle l’épave d’un « B-25 des Bridge Busters » unité de l’USAAF célèbre pour avoir détruit des ponts japonais sur les rivières birmanes. À la page 28, on assiste à l’action d’un B-25 G armé d’un canon de 75mm. La couverture de cet album montre, peints sur les flancs de l’avion du héros, les prénom et nom de celui-ci « Lt Robbins Clower ». Ce prénom n’est pas sans rappeler le nom du personnage fictif du « capitaine Robbins », dans B-25 Mitchell – Tonnerre sur Tokyo !
Si l’on continue la comparaison entre 7e et 9e art, les lieutenants Rafe McCawley (Ben Affleck dans Pearl Harbor) et « Danny » Walker (Josh Hartnett dans Midway), font des personnages de fiction plus vraisemblables que le capitaine Robbins de notre album. Néanmoins, pour les lecteurs qui ne connaîtraient ni le fait d’armes ni l’avion, l’album B-25 Mitchell – Tonnerre sur Tokyo est une bonne entrée en matière historique sur ces « deux légendes de l’aviation ».
* : Mais tous les films avec un B-25 ne sont pas recensés dans cette page. C’est le cas par exemple du film de Steve Miner Forever Young (1992) avec Mel Gibson.
Warbirds T3 B-25 Mitchell – Tonnerre sur Tokyo. Richard D. Nolane (scénario). Vladimir Aleksic (dessin). Vladimir Davidenko (couleurs). Soleil. 56 pages. 15,50 euros.
Les cinq premières pages :