Le Grêlé 7/13 : une série sur la Résistance entre héroïsation et historicisation
Le Grêlé 7/13, la célèbre série sur la Résistance publiée de 1966 à 1971 dans Vaillant puis Pif Gadget, en dit autant sur la période de la Seconde Guerre mondiale que sur les intentions des auteurs au moment de la réalisation des épisodes. Didier Dantal revient en détail sur le contenu des récits signés Roger Lécureux, Lucien Nortier et Christian Gaty.
Publiée entre 1966 et 1971, Le Grêlé 7/13 est la série de bande dessinée la plus célèbre consacrée à la Résistance française durant la Seconde guerre mondiale et peut même être considérée comme le dernier avatar de la BD résistancialiste. Cette série est l’œuvre du scénariste Roger Lécureux (également connu, avec André Chéret au dessin, pour la série Rahan qu’il scénarisa de 1969 à sa mort en 1999) et les dessinateurs Lucien Nortier et Christian Gaty. Tous les trois ont vécu l’époque qu’ils décrivent du côté de la Résistance et savent par conséquent de quoi ils parlent : Lécureux et Gaty ont 15 ans en 1940 et Nortier 18.
Avant la rupture des années 70, on baigne encore à cette époque dans ce qu’on a appelé « le mythe résistancialiste » qui se traduit par une tendance à minimiser la collaboration française et à présenter la France comme une nation exclusivement combattante et victorieuse. Le Parti communiste élabore sa propre histoire concurrente de la mémoire gaulliste alors dominante. Les magazines pour la jeunesse Pif et surtout Vaillant, où furent repris les épisodes de la série, sont des organes proches du PCF. Les années 1970 vont ensuite marquer un tournant qui va conduire à réviser ce mythe. Cette version légendaire sera remise en cause avec les travaux d’historiens comme Robert Paxton ou Henry Rousso.
« Le Grêlé 7/13 » est le surnom donné par les nazis à un jeune maquisard originaire de Ménilmontant, de son vrai nom Jean-Pierre Gavroche, reconnaissable à ses taches de rousseur (sept sur la joue gauche et treize sur la droite) dont nous suivons les aventures de l’été 1940 jusqu’à la Libération. Secondé par son fidèle compagnon l’Ermite, il a pour ennemi juré le colonel S.S. Von Hartz. Si au final le héros parvient toujours à l’emporter, avec les moyens du bord et un génie éprouvé du « système D », on notera qu’une certaine complexité des temps n’est pas absente de la BD : ainsi y croise-t-on de mauvais Français collaborationnistes (incarnés par la figure repoussoir du Milicien) mais aussi de bons Allemands anti-nazis (qui font le lien avec la politique de rapprochement franco-germanique qui aboutit au Traité de l’Élysée signé par de Gaulle et le chancelier Adenauer le 22 janvier 1963). Rien n’est donc figé ni totalement manichéen et des passerelles existent entre les deux camps, reflet d’une problématisation historique en germe.
Il ne faut pas perdre de vue, en effet, la visée éducative d’une telle série à la gloire du maquis. Quand dessiner, c’est résister, pourrait-on dire : la réussite du Grêlé 7/13 vient de ce que le souci réaliste de ses auteurs, à base d’objectivité et de reconstitution, rejoint parfaitement le véritable projet qui les habite, celui de redynamiser l’esprit de la Résistance jusque dans sa dimension pérenne et transhistorique. L’histoire se conjugue donc ici au présent et au futur autant qu’au passé.
La totalité de l’étude de Didier Dantal sur Le Grêlé 7/13 :