Legio patria nostra, une nouvelle vie dans la Légion étrangère
Quand on évoque la Légion étrangère, on en vient inévitablement à Camerone, cette bataille perdue qui a vu naître une légende. Mais qui s’est réellement battu à Camerone ? Dans Legio patria nostra, Jean-André Yerlès et Marc-Antoine Boidin racontent le parcours d’un jeune engagé, des bas-fonds de Lyon à la torpeur du désert mexicain.
Mexique, 30 avril 1863. Assiégés dans une hacienda du village de Camaron de Tejeda, sur la route de Vera Cruz, 62 légionnaires français de la 3e compagnie du 1er bataillon du Régiment étranger livrent leur ultime combat face à 2 000 soldats mexicains. L’expédition du Mexique vire lentement au fiasco, mais l’heure n’est pas encore venue de baisser les bras. Sans boire ni manger, avec des munitions en quantités limitées, ils tiennent durant douze longues heures. 40 soldats français y laissent la vie (on déplore également 18 blessés), contre 190 tués du côté mexicain (et 300 blessés). Parmi les courageux légionnaires de Camerone se trouve Casimir.
Sept ans avant la bataille tragique, ce gamin des rues avait dû fuir Lyon après avoir accidentellement tué le maquereau de sa mère. Vous voyez le tableau… S’il peut compter sur son copain Dino, Casimir reste poursuivi par les soudards du trucidé et recherché par la police. Sans ressource, il vit alors de petits larcins, avant d’intégrer la bande du Maure, à Marseille, puis de partir pour Toulon, où il fait la connaissance d’Évariste. L’ancien soldat, endetté jusqu’au cou, l’incite à s’engager dans la Légion étrangère. Il pourra, selon lui, s’y refaire une identité. Terminé le Casimir assassin ; le voici devenu soldat au service de l’Empereur ! Bien sûr, le paradis vendu par Évariste se révèle bien moins radieux qu’espéré… Mais surtout, il y a Zélie. Et pour ses beaux yeux – et son sale caractère –, Casimir est bien décidé à déserter.
Là où Charlotte impératrice (Fabien Nury & Matthieu Bonhomme, Dargaud) propose une approche par le haut de l’expédition du Mexique (1861-1867), Legio patria nostra – la devise de la Légion étrangère – opte pour l’approche par le bas. Prévue en cinq volumes, cette série raconte le parcours d’un jeune engagé dans la Légion étrangère, ce corps d’armée si particulier, créé en 1831. S’il reste encore un long chemin à parcourir avant de connaître le fin mot de l’histoire de Casimir, ce premier tome se révèle néanmoins convainquant. Les personnages sont bien campés, les décors soignés, et l’intrigue ne manque pas de punch, malgré son classicisme. Après la scène d’introduction et un flash-back, la séquence lyonnaise – où l’on découvre l’environnement dans lequel a grandi Casimir – est, par exemple, très efficace. Malgré une ambiance lourde et sombre, le dessin reste fluide et la narration limpide. A côté du faste du Second Empire – qui est, en ce milieu des années 1850, un régime résolument autoritaire –, et malgré l’industrialisation du pays, une grande partie de la population vit alors encore dans des conditions extrêmement précaires, ce que retranscrit bien l’album. L’heure des grands travaux du baron Haussmann – qui ont grandement influencé la physionomie de villes comme Lyon, Marseille ou Toulon – n’est pas encore venue…
Si la bataille de Camerone est évoquée dans la scène d’introduction de l’album, elle ne l’est plus jusqu’à la fin de ce premier tome. Et ne devrait pas non plus l’être dans les prochains. Cet événement est en effet l’un des enjeux de ce récit, qu’il viendra ponctué ou clôturé, selon la manière dont les auteurs auront décidé de l’utiliser. Après la guerre victorieuse en Crimée (1854-1856), le Second Empire s’apprête à entamer sa campagne italienne, à laquelle participera bien entendu la Légion étrangère ; et donc peut-être notre ami Casimir dans la fiction historique proposée par Legio patria nostra. Il sera ensuite toujours temps de se pencher sur l’expédition du Mexique, et cette bataille de Camerone, cette défaite de l’armée française, qui constitue pourtant l’une des pages les plus glorieuses de l’histoire de la Légion étrangère.
Legio patria nostra T1 – Le Tambour. Jean-André Yerlès (scénario). Marc-Antoine Boidin (dessin). Glénat. 64 pages. 14,50 €.
Les 5 premières planches :