Les Guerriers de dieu : sus aux hérétiques luthériens !
Il fut un temps où les protestants français étaient montrés du doigt. Avant d’être persécutés, puis forcés à l’exil, voire pire : exécutés. Le XVIe siècle n’a pas été miséricordieux avec ceux que d’aucuns qualifiaient d’hérétiques. Dans Les Guerriers de dieu, Philippe Richelle et Pierre Wachs se plongent avec brio dans cette époque d’obscurantisme tardif.
A l’heure où le fait religieux reprend une place importante sur la scène politique française, certains annoncent déjà la prochaine guerre de religions, selon la logique apparemment implacable du choc des civilisations. Quoi qu’il en soit, le recul considérable du pouvoir des clercs depuis la Révolution française a permis de les éloigner progressivement du pouvoir politique. Jusqu’à la « loi concernant la séparation des Églises et de l’État », votée le 9 décembre 1905, qui enterre définitivement leurs dernier espoirs de peser réellement dans la balance. Auparavant, l’Église catholique n’a jamais hésité à user de ses accointances avec le pouvoir exécutif pour éliminer ses brebis égarées. C’est une croisade qui, au début du XIIIe siècle, est venue à bout des Albigeois, aussi connus sous le nom de cathares. Au XVIe siècle, en pleine Renaissance, c’est une campagne de persécutions plus subtile mais tout aussi meurtrière qui cherche à en finir avec les protestants. C’est dans ce contexte tendu que se déroule Les Guerriers de dieu.
Nous sommes en 1557. Le roi Henri II patauge dans sa nouvelle guerre contre l’Espagne. Il a cette fois en face de lui Philippe II, qui a succédé l’année précédente à son père, Charles Quint. A Saint-Quentin, le 10 août, l’armée espagnole, commandée par Emmanuel-Philibert de Savoie, bat celle du Connétable de Montmorency, pourtant supérieure en nombre. Paris est menacé. Selon un savant mélange des deux tactiques dites, pour l’une, du « bouc émissaire » et, pour l’autre, du « deux coups en un », Henri II décide de se calmer les nerfs sur les protestants. Il se met en tête d’éradiquer définitivement ces hérétiques, qui menacent de convaincre tout le royaume que l’Église et le Roi se sucrent sur le dos de la populace. Qui sait : ces hommes et ces femmes qui apprennent à lire et à comprendre le contenu de la Bible pourraient même un jour remettre en cause jusqu’à l’essence divine de son trône.
Cette nouvelle série confirme tout d’abord le rôle prédominant des éditions Glénat dans le domaine de la bande dessinée historique. Elle est réalisée par deux auteurs qui se connaissent bien : le scénariste Philippe Richelle et le dessinateur Pierre Wachs. Ensemble, ils ont publié Opération Vent printanier et Les Mystères de la IIIe République, deux séries qui se déroulent, elles aussi, dans un contexte historique. Formellement assez classique, cette bande dessinée a l’intelligence de replacer l’Histoire au niveau des hommes, à travers le parcours chaotique d’Arnaud de Boissac, un jeune noble désireux de connaître les motivations des huguenots avant de hurler avec les loups. Les auteurs évitent habilement le piège du manichéisme, et proposent plutôt d’évoquer la manière dont les adeptes de la nouvelle religion se sont organisés pour résister à leurs bourreaux et vivre leur foi. L’intrigue est palpitante, les dialogues de bon niveau, et le découpage rythmé et efficace. Graphiquement, Pierre Wachs effectue un beau travail de reconstitution historique. Son trait réaliste, plus léger et moins figé que dans ses précédents albums, se marie parfaitement avec le récit et l’époque. A noter que le tome 2 sortira dès le mois de mai. Et pour plus d’informations sur les guerre de religions, vous pouvez également lire notre chronique de Saint-Barthélemy et la présentation de Henriquet.
Les Guerriers de dieu t.1 – La chasse aux hérétiques. Philippe Richelle (scénario) & Pierre Wachs (dessin). Glénat. 56 pages. 14,50 €
Les 5 premières planches :