Les mauvaises herbes, l’enfer des femmes de réconfort coréennes pendant la Seconde Guerre mondiale
Raconter avec pudeur et pudeur, la vie d’une jeune adolescente prise dans les griffes de l’armée japonaise pour servir d’esclave sexuelle pendant la Seconde Guerre mondiale, est une gageure qu’a brillamment relevée Keum Suk Gendry-Kim dans Les Mauvaises herbes.
1937, la Seconde Guerre mondiale commence en Asie. Le Japon, suite à une manipulation médiatique et militaire, débarque en force en Chine. L’horreur de cette guerre est inédite. Jamais le monde n’avait assisté à un tel déchainement de violence conduit par une réelle volonté génocidaire. Shanghai et Nankin sont envahies au prix de terrifiants massacres. La presse nippone suit un concours de décapitation qu’ont commencé deux soldats. Le décompte s’arrêtera à 150 têtes coupées. Dès le début de l’invasion, les troupes japonaises violent systématiquement les femmes. Pour tenter d’éviter de nouvelles protestations internationales, les officiers et hommes politiques décident de rafler les jeunes femmes et les adolescentes pour en faire de véritables esclaves sexuelles qu’ils nomment « femmes de réconfort » et de les placer dans des bordels militaires. Toutes les Asiatiques dont le pays tombe sous la coupe japonaise subiront cet enfer : Vietnamiennes, Chinoises, Philippines… Les Coréennes aussi, et à grande échelle, tandis que les hommes sont contraints de travailler pour l’industrie de guerre.
Le Japon a colonisé le pays dès la fin du XIXe siècle, imposant une domination impitoyable et cruelle. La guerre va faire empirer les choses. Les Mauvaises herbes est l’histoire de Lee Oksun qui, en 1943, a été plongée dans cet enfer. Son récit ressemble à tous les autres récits de type. Il donne de nombreux détails sur le fonctionnement des bordels japonais, sur les « couples gestionnaires » qui asservissaient les femmes en s’enrichissant. Il montre la violence qui pouvait exister entre les prisonniers masculins qui travaillent près des bordels et ces femmes, mais l’auteure va plus loin puisqu’elle met en perspective ce drame avec l’organisation de la société coréenne et la place des femmes, notamment des très jeunes.
Lee Oksun a 16 ans en 1943 et son arrivée parmi les femmes de réconfort ne doit rien au hasard. Fillette pauvre, elle n’ira pas à l’école malgré son désir. Pour lui donner une vie meilleure, elle sera adoptée (c’est souvent l’usage à cette époque en Corée), vendue comme bonne à tout faire dans des restaurants, puis victime d’un enlèvement par deux rabatteurs coréens complices des envahisseurs. Cette traite de femme n’aurait pu avoir lieu sans de nombreux collaborateurs et si la place des femmes en Asie et en Corée avait été différente. La fin de la guerre n’est pas la fin du calvaire. En août 1945, Lee Oksun et ses compagnes ne savent pas que la guerre est finie, bien que les Japonais soient partis. Abandonnées, elles doivent mendier pour vivre. Le reste de sa vie sera une longue litanie de souffrance, éclairées par l’adoption des enfants de son second mari. Même son retour en Corée, 50 ans après, sera douloureux d’incompréhension avec sa famille rescapée. Impossible de reprendre les dizaines d’anecdotes bouleversantes de ce livre, il faut s’y plonger. Le récit est si fort que la dessinatrice le parsème de merveilleuses peintures de paysage à l’encre qui offrent au regard, un moment d’évasion vers la nature.
Les mauvaises herbes. Keum Suk Gendry-Kim (scénario et dessin). Editions Delcourt. 480 pages. 29,95 €
Les 5 premières planches :
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