Qui est le méchant de la Révolution ? Robespierre, tout le monde le sait…
Cases d’Histoire a demandé à Jean-Clément Martin, un des meilleurs spécialistes français de la Révolution française, biographe de Robespierre et grand pourfendeur des idées reçues sur la période, de lire le volume consacré à Robespierre, paru dans la série de Méchants publiée par les éditions Dupuis. Aïe…
Chez Dupuis, la collection qui montre « la véritable histoire vraie » dirigée par Bernard Swysen est consacrée aux « méchants », d’Attila à Torquemada, en passant par Hitler et en l’occurrence Robespierre.
Le trait est féroce, les personnages caricaturés, l’humour noir, carrément potache, quand le couteau de la cuisine est enfoncé dans la poitrine de Marat ou quand le chien Brount – souvent oublié il est vrai – est mis en scène comme Rantanplan avec Lucky Luke. De la naissance à la mort, tout y est assurément, les grossesses à répétition de la mère de Robespierre, et l’inévitable exécution à 18 h 30, le 28 juillet 1794. Le bourreau est à l’heure, les citations sortent du grand dictionnaire des idées reçues (les femmes sont ses « dévotes » à la Convention, ou la volonté de se débarrasser des Girondins, alors qu’il va permettre à 75 d’entre eux d’éviter la guillotine…) et Robespierre est l’horrible meneur de la Révolution sanguinaire, bigleux et bilieux, gamin détestable genre Joe Dalton à perruque.
Patrice Gueniffey, spécialiste de l’Histoire de la Révolution et de l’Empire à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales à Paris et dénonciateur de la « Terreur », peut affirmer imprudemment que tout « colle » et que l’humour évite le pensum, mais il ne suffit pas de rappeler de façon dérisoire et simpliste des « faits » pour dire la « vérité de l’Histoire », et de laisser quelques erreurs caractérisées (dont la publication de la déclaration du roi de juin 1791, ou l’élection au premier rang des Parisiens à la Convention).
Pour faire encore plus vrai, un « débat », mais pour débattre faut-il encore échanger autre chose que des coups, oppose Michel Onfray avec des positions aussi provocatrices qu’infondées, à Frédéric Bidouze chargé de défendre l’honneur de la corporation des historiens. Pour Onfray, toute personne qui veut « sauver » Robespierre (mais quel étrange verbe) ne peut être que négationniste, cynique ou machiavélique. A quoi Bidouze répond en rappelant que Robespierre a tracé une voie qui nous concerne encore, même s’il s’est illusionné sur les difficultés inhérentes à la vie politique.
Peut-on espérer que le lecteur aura envie d’en savoir plus ? Peut-on dire, comme on le répète avec la conviction désespérée du croyant au bord du doute, que la BD serve à développer le goût de l’Histoire ? Pas sûr. A la décharge de Swysen, on se consolera en disant qu’il est loin d’être le seul à tordre l’histoire comme un torchon.
Jean-Clément Martin*
* : l’auteur de ces lignes, « négationniste en chef » selon Michel Onfray, est l’auteur d’un Robespierre. La fabrication d’un monstre, aux Editions Perrin, en 2017.
Robespierre. Bernard Swysen (scénario). Philippe Bercovici (dessin). Patrice Guéniffey (préface). Michel Onfray et Frédéric Bidouze (postface). Editions Dupuis. 80 pages. 13,95 €