Shanghai Dream, l’ultime espoir des Allemands juifs pour fuir le nazisme
Avant qu’Adolf Hitler ne décide de leur extermination pure et simple, la moitié des 500 000 juifs d’Allemagne avaient pu prendre le chemin de l’exil. Si la plupart sont allés à Paris, Londres, New-York, ou en Palestine, 20 000 d’entre eux ont échoué à Shanghai, alors sous occupation japonaise. C’est leur histoire que raconte Shanghai dream, de Philippe Thirault et Jorge Miguel, une fiction historique classique et passionnante.
Bernhard et Illo travaillent tous deux dans le cinéma. Mais, en cette année 1938, les portes des studios allemands avec lesquels ils collaboraient jusqu’à présent ne leur sont plus ouvertes. Le couple essaye par tous les moyens de faire passer ses scripts, quitte à les signer sous pseudonyme, quitte à travailler dans l’ombre. Mais rien n’y fait. Comme pour des centaines de milliers d’autres Allemands juifs, les lois raciales instaurées par le régime nazi interdisent désormais à ces citoyens honnis d’exercer leur métier, de gagner leur vie. Que faire ? Rester, coûte que coûte, afin de ne pas laisser Hitler triompher sans rien faire ? Ou partir, commencer une nouvelle existence ailleurs, loin des croix gammées et des crachats. En désespoir de cause, Bernhard et Illo décident alors de prendre le chemin de l’exil. Mais les principales routes sont déjà saturées de réfugiés. Si les États-Unis ne souhaitent pas accueillir tous les victimes d’Hitler, la France, la Belgique, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne ne sont, eux, plus à l’abri de l’appétit grandissant du Führer. C’est donc finalement à Shanghai, en Chine, qu’échouent les deux immigrés. La ville est aussi immense qu’énigmatique. Elle renferme surtout un nouveau danger : les soldats de l’empire du Japon et ses ambitions territoriales dévorantes.
Après son accession au pouvoir, le premier objectif d’Adolf Hitler, en ce qui concerne les Allemands juifs, a été leur émigration, que le régime va même en partie organiser. Jusqu’en 1939 et le début de la Seconde Guerre mondiale, plus de la moitié des juifs du Reich – soit 250 000 personnes – sont déjà partis. Les démocraties libérales européennes et américaine deviennent, presque naturellement, les pays d’accueil de ces réfugiés ethniques. La Palestine aussi, où 50 000 juifs ashkénazes allemands viennent grossir les rangs des colons qui proclameront, quelques années et une apocalypse plus tard, l’indépendance de l’état d’Israël. Ce que l’on sait moins, c’est qu’environ 20 000 juifs d’Allemagne, d’Autriche et de Pologne ont trouvé refuge à Shanghai, que l’on appelait alors la New York de l’Asie. Pas besoin de visa pour entrer sur le territoire de ce gigantesque port, tombé sous le contrôle des troupes japonaises fin 1937. Mais c’est à se demander si la Chine, plongé dans une guerre apparemment interminable contre l’envahisseur nippon, est vraiment l’endroit idéal pour des populations en exil. Si l’occupant va dans un premier temps respecter les droits des réfugiés, les pressions de l’allié allemand vont par la suite changer la donne.
Philippe Thirault et Jorge Miguel livrent une fiction passionnante, au point de vue original puisqu’il explore un épisode méconnu, au moins en bande dessinée, de l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale. Les repères sont un peu bouleversés par ce décor inattendu, ce qui renforce encore l’empathie que l’on éprouve pour Bernhard et Illo, nos deux exilés du bout du monde. Le traitement narratif classique, couplé à une mise en images au trait semi-réaliste et à la mise en couleur par aplats très ligne claire, rend l’ensemble sans réelle surprise formelle, mais très efficace et agréable à lire.
Shanghai dream coffret t1 & 2. Philippe Thirault (scénario) et Jorge Miguel (dessin). Les Humanoïdes associés. 120 pages. 29 euros.
Les 5 premières planches :
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